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en ces termes :

" Je suis venu, rempli d'intentions pacifiques, vous offrir l'ordre et la prospérité. Quelques-uns d'entre vous m'ont accueilli de suite, d'autres ont voulu me repousser. A ceux-là j'ai rendu guerre pour guerre, vous savez ce qui en est arrivé. Je serais en droit de les punir ; mais le roi des Français, que je représente, est grand et miséricordieux. Voici quelle est sa volonté :

" Vous ouvrirez librement au commerce, aux chrétiens comme aux musulmans, le parcours de toutes vos routes, notamment celle de Bougie à Sétif. Les tribus répondront de tous les méfaits qui se raient commis sur leur territoire ; elles y veilleront par des postes.

" Vous fournirez des moyens de transport à nos colonnes, toutes les fois que vous en serez requis ; vous paierez un impôt modéré, dont le montant pour chaque tribu est déjà fixé : le premier semestre devra être acquitté de suite, au plus tard dans le délai d'un mois.

" Il vous est interdit de faire la guerre entre vous. L'autorité française jugera tous vos différends, comme elle punira tous les perturbateurs.

" Écartez avec soin Abd-el-Kader et les chérifs qui vous prêchent la guerre ; car ils empêcheraient l'effet de nos bonnes intentions envers vous.

"Nous n'occuperons pas votre pays, nous ne garderons pas vos routes ; mais nous viendrons de temps en temps vous visiter, avec une armée comme celle-ci, et alors nous châtierons ceux qui se seraient rendus coupables de la plus légère infraction. "
 

    

 

   
Chacune de ces phrases étaient traduite successivement et suivie d'acclamations. La solennité se termina au bruit de la musique militaire et du canon, par la distribution des burnous et d'un grand nombre de cadeaux. Les tribus livraient en échange un cheval ou un mulet de soumission.

Bientôt des actes significatifs vinrent constater les excellentes dispositions de nos nouveaux sujets. Le général Gentil, chargé de ramener à Alger la colonne du Gouverneur, fut partout obéi dans ses réquisitions de bêtes de somme avec une merveilleuse exactitude. Bien plus, les tribus profitèrent de son passage pour acquitter le premier semestre de l'impôt, devançant ainsi d'un mois l'échéance fixée. Le lieutenant-général Bedeau n'eut, à son retour, qu'un engagement secondaire avec une troupe de perturbateurs sans racines dans le pays et dont il fit promptement justice. Quant au Maréchal-Gouverneur, il s'embarqua le 25 à Bougie pour rentrer dans la capitale. Une circonstance imprévue rendit tout-à-coup ce départ mémorable et douloureux pour l'armée. Ce fut là qu'en présence d'une centaine d'officiers, venus spontanément le reconduire à bord, le Maréchal duc d'Isly annonça publiquement le ferme dessein de se démettre de ses hautes fonctions. Peut-être avait-il en effet, depuis longtemps, fixé le terme de son rôle à celui de la conquête, et n'attendait-il plus que cette soumission de la Grande Kabylie, pour emporter dans sa retraite la gloire d'avoir fait flotter sur toute l'Algérie le drapeau de la France.

 
 

 
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