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CHAPITRE XII.

 

 
L'INCONNU ET L'AVENIR.
 

 
I. Les Zouaouas. - II. Kuelâa. - III. Que deviendra la Grande Kabylie ?
 

I.

 
Nous voici parvenus au terme de la carrière que nous nous étions tracée. Peindre l'état de la société kabyle, suivre ses phases historiques depuis l'arrivée des Français en Algérie jusqu'aux jours où nous sommes, telle était notre tâche ; et si imparfaite qu'en soit l'exécution, nous devons la considérer comme finie. Pouvons-nous cependant borner là cet essai ? L'étude attentive du passé n'entraîne-t-elle pas impérieusement après elle quelques réflexions sur l'avenir ?

Notre conquête de la Grande Kabylie n'est ni absolument complète, ni encore tout-à-fait inébranlable.

Nos armes n'ont point pesé sur les Zouaouas, pas davantage sur une confédération voisine qui s'étend jusqu'au bord de la mer ; toute cette région reste insoumise et ignorée. D'autres points nous sont seulement inconnus, mais leur situation retirée les désignant comme des foyers naturels de révolte, il est bon de s'accoutumer à l'idée d'opérer contre eux. Dans cette catégorie se trouve particulièrement la ville de Kuelâa. Nous nous efforcerons de donner ici, sur elle et sur les Zouaouas, tous les renseignements propres à en faciliter au besoin l'attaque.

    

 

   
D'un autre part, s'il est vrai de dire que l'ensemble de la Kabylie nous appartient dès à présent, ne doit on pas ajouter aussi qu'elle sera prospère ou misérable, se complaira dans une soumission paisible ou nous fatiguera de ses révoltes incessantes, selon les principes de gouvernement dont nous lui ferons l'application ? Quelques avis d'hommes pratiques sur cette matière délicate ne manqueraient donc pas d'utilité. Nous leur consacrerons nos dernières pages.

Le pays des Zouaouas embrasse la portion la plus haute, la plus aride des montagnes. Les terres cultivables y sont très-rares : on les travaille à la pioche, et il s'en faut de beaucoup qu'elles elles fournissent le grain nécessaire à l'alimentation des habitants. Ceux-ci mêmes les consacrent de préférence au jardinage ; ils en tirent des artichauts, des lentilles, des fèves, des pois, des haricots, des navets, du poivre rouge ; ils ont aussi des plantations de lin et de tabac ; ils entre tiennent des ruches à miel. Les fruits ne manquent pas : on trouve des kharoubes, des olives, des figues, du raisin, des grenades, des coings, des abricots, des pêches, des poires et des pommes. Le gland doux abonde surtout : il est un des principaux éléments de la nourriture des Zouaouas, qui le mangent grillé ou en font une espèce de couscoussou par le mélange de sa farine avec celle de l'orge.

La chasse leur vient en aide, surtout à certaines époques. Ils se servent de petit plomb qu'ils fabriquent ou nous achètent, ou le remplacent par du gravier fin ; ils poursuivent le lièvre, le lapin, la perdrix, la caille, la colombe, le pigeon, la grive, l'étourneau. S'ils différent en cela des Arabes, qui ne font ces chasses qu'au piège, comme eux ils sont accoutumés à traquer la grosse bête. Le lion est très-rare dans le pays, à cause de la grande population : la panthère y est plus répandue. On la détruit souvent au moyen d'une espèce de machine infernale, composée de plusieurs fusils dont les canons entrecroisés abritent un morceau de viande correspondant à leurs batteries par des fils propres à en déterminer le jeu. L'animal se plaçant en face, 

 
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