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pour tirer sa proie, produit lui-même l'explosion qui le tue.

Les montagnes des Zouaouas renferment en outre beaucoup d'hyènes, de sangliers, de chacals, de renards et de hérissons ; le singe y est particulièrement répandu en quantité prodigieuse, et y exerce des dégâts notables. Des troupes de singes, en quelque sorte disciplinées, détachant à distance des sentinelles qui les avertissent du danger, viennent s'abattre à l'improviste sur les jardins et les dépouillent, à moins que, surprises à leur tour, elles n'y soient égorgées en masse.

Toutefois les ressources en fruits, en légumes, en produits de chasse, seraient loin de suffire aux besoins de la population ; mais elle cultive en outre l'industrie, dont elle a grand besoin pour vivre.

Les Zouaouas fabriquent de la poudre, des bois et des batteries de fusil (mais non pas les canons), des pioches, des haches, des socs de charrue, des faucilles, des mors ; ils confectionnent des kabayas (chemises en laine), des burnous, des chachias blanches, des cardes pour la laine, des chapeaux de paille, des nattes, des paniers (kouffa), des cordes en laine, en paille, en palmier nain, en poils de chèvre ou de chameau, des sacs en cuir, des peaux de bouc, des bâts de mulets. Leurs ouvriers en bois livrent des portes, des coffres, des plats d'une seule rondelle, des sabots, de grandes plaques en chêne-liège pour couvrir les maisons. On trouve encore chez eux des tanneurs, des teinturiers, des maçons, des tuiliers, des potiers et même des cordonniers. La plupart de tous leurs produits se vendent au-dehors. Deux industries dominent toutes les précédentes par leur extension : la fabrication de l'huile au moyen de pressoirs grossiers, et celle de la fausse-monnaie, que nous avons fait connaître en détail. On cite aussi quelques fractions de tribus fort peu considérées par ce motif, dont la seule industrie consiste à fournir des musiciens dans toute l'Algérie. Leurs instruments 

    

 

   
sont : deux sortes de flûtes ; l'une ayant quelque analogie avec la clarinette, l'autre faite avec un roseau et d'une dimension très courte ; ensuite plusieurs espèces de tambours : le deuf, qui est le plus petit de tous, le derbouka, où la peau est tendue sur un vase en terre cuite ; puis un troisième, qui ressemble beaucoup à notre tambour de basque.

Mais de tous les moyens qu'emploient les Zouaouas pour lutter contre la misère de leur pays natal, le plus commun, comme le plus infaillible, est l'émigration temporaire. Ils sont les Auvergnats de la Grande Kabylie. Leurs pérégrinations s'exercent même sur une échelle plus étendue que celle de nos besoigneux montagnards. En effet, non seulement on les voit en tournée lointaine, s'engager comme domestiques, maçons, moissonneurs ou soldats, amasser un petit pécule et revenir alors au pays pour s'y marier ; non seulement chaque famille compte presque toujours un de ses fils en excursion prolongée de ce genre ; mais encore beaucoup d'autres exercent, à proprement parler, le métier de colporteurs entre la montagne et la plaine. Ils partent avec un chargement d'épicerie (atria) et quelques articles de toilette, de verroterie ; par exemple, ils emportent du piment, du poivre rouge et noir, du henné pour teindre les ongles, du musc, du fil et des aiguilles, des couteaux, des ciseaux, du sulfure d'antimoine, du soufre, etc. Ils brocantent ces articles de marchés en marchés arabes, et finissent par rentrer chez eux après les avoir transformés en laine, en ânes, en bœufs et en argent.

Il règne au pays des Zouaouas une multitude de dissensions politiques. On s'attendrait facilement à ce qu'il en fût ainsi de tribus à tribus, ou de fractions à autres ; mais quelquefois, ces germes d'implacable hostilité subsistent dans l'intérieur d'un même village. Il n'est pas rare alors de voir bâtir un mur qui le sépare en deux parties, de voir s'élever des tours d'où chacun observe les mouvements de son ennemi, et peut saisir, pour lui faire du mal, l'instant où ses troupeaux vont paître, où l'on fait la provision d'eau , etc.

 
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