Les deux colonnes du Maréchal et
du lieutenant général Bedeau opérèrent leur jonction à
une journée de marche au-dessus du confluent de la Summam. Ce
fut là que parurent le fils et le neveu de Mohammed-ou-Amzian
(1). Quant à lui, malgré les promesses d'aman qu'il avait
sollicitées et reçues, trop indigne de notre générosité
pour y croire, il n'avait point osé venir. Le Maréchal
décida que son neveu recevrait l'investiture des
Ouled-Abd-el-Djebar. En ce qui concernait Amzian, il ajouta :
" Je n'ai plus rien à lui faire dire : trois fois il a
demandé l'aman et trois fois je le lui ai promis. Son ancien
attentat l'empêche d'avoir confiance en nous ; j'en suis bien
aise : c'est la justice divine qui l'aveugle ainsi pour
assurer son châtiment ; car s'il se fût rendu de plein gré,
nos principes d'honneur nous eussent interdit de lui faire
aucun mal, au lieu qu'insoumis il tombera tôt ou tard entre
nos mains, et alors nous lui demanderons compte du sang qu'il
a versé. "
Le 23 mai, l'armée entière, formant un effectif d'environ
quinze mille hommes, campa face à Bougie sur les revers du
col de Thisi. Jamais les Kabyles n'avaient vu de semblables
soldats ni en tel nombre ; ils en demeurèrent frappés.
" Nous avions bien appris, disait l'un d'eux, que
c'était une folie à nous de résister, tant votre puissance
était grande ; mais nous ne l'avions pas vue. Maintenant,
notre oeil est satisfait. "
Le dernier épisode saillant de cette campagne politique
fut une cérémonie qui en résumait parfaitement le
caractère et le succès : l'investiture solennelle d'environ
soixante chefs kabyles. - Le 24 juin, au milieu du jour, tous
étaient réunis devant la tente du Maréchal ; une salve de
six coups de canon leur annonça qu'ils allaient entendre la
volonté du roi des Français, leur sultan.
Assisté de deux traducteurs qui reproduisaient ses
paroles, l'un en arabe, l'autre en kabyle, le Gouverneur
s'exprima à peu près
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