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Ce qu'il importe ici de constater, c'est le caractère essentiellement mobile des confédérations, l'absence de tout lien permanent, de toute administration centrale, et d'en conclure qu'il faut descendre au sein de la tribu proprement dite ; pour commencer à trouver l'apparence d'un gouvernement régulier.
 

VI.

 
On appelle arch ou kuebila, une tribu entière. Les fractions, ferka de la tribu, se nomment encore krarouba, fekhed, âreg : kraroube, cuisse, veine.

Ces fractions se décomposent quelquefois à leur tour en déchera, villages.

Au dire du Kabyle, la tribu, arch, est le corps de l'homme ; fekhed, dreg, en sont les membres ou les veines; et déchera, les doigts qui terminent les pieds ou les mains. La tribu et ses fractions trouvent également leur image dans le fruit du caroubier, car il se compose d'une cosse où sont contenues plusieurs graines : krarouba.

Chaque déchera se nomme un chef que l'on appelle amine (1). Cette élection repose sur le suffrage universel tout Kabyle y prend part, et la volonté générale ne s'y voit renfermée dans aucune limite ; cependant on sait, là comme ailleurs, l'influencer en faveur des droits de la naissance, l'intimider par l'entourage, la séduire par les richesses, la captiver par l'éloquence.

Ces grandes assemblées sont des djemmâs (2) ; mais, dans un sens plus spécial, la djemmâ d'une tribu est l'assemblée de tous 

 

(1) Ce titre répond à celui de caïd chez les Arabes.
(2) Djemmâ veut dire, aussi mosquée.

    

 

   
les amines élus, comme il vient d'être dit, par ses diverses fractions, et délibérant en commun sur les intérêts nationaux, rendant des jugements, prenant des mesures générales, etc. Cette même djemmâ procède à l'élection d'un président parmi les membres qui la composent ; celui-ci porte le nom d'amin el oumena : amine des amines.
Il devient ainsi le chef régulier de toute la tribu, et le commandement des guerriers qu'elle met sur pied lui appartient dans un jour de combat. Ses prérogatives restent d'ailleurs fort limitées, à moins qu'une illustre naissance ne lui en confère d'autres fondées sur l'appui moral de l'opinion publique : Dans tous les cas, et ne fût-ce que pour la forme, il prend l'avis de là djemmâ sur les moindres affaires. En elle, à proprement parler, réside le gouvernement.

La durée du pouvoir dévolu aux chefs n'est pas la même dans toutes les circonscriptions territoriales. Chez certaines tribus ils sont renouvelés tous les six mois, chez d'autres tous les ans; mais, dans toutes, une mauvaise conduite peut appeler leur destitution immédiate, de même que des services signalés autorisent souvent une prolongation. Dans tous les cas, c'est le peuple qui prononce.

Les amines sont chargés du maintien de l'ordre public, ainsi que de l'observance des lois et des coutumes. Ici, nous allons constater une série de faits toute particulière aux Kabyles.

Seuls parmi les nations musulmanes, ils possèdent un code à eux, dont les prescriptions ne dérivent ni du Koran, ni des commentaires sacrés, mais d'usages antérieurs qui se sont maintenus à travers les siècles, à travers même les changements de religion. C'est ce droit coutumier que les amines consultent en toute occasion.

Les vieillards, les savants l'ont reçu traditionnellement ; 

 
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