Admirable entente du cœur humain
qui a su donner à chacun sa part de vanité. Les faits de ce
genre ne sont pas rares ; et tel est le caractère de ce
peuple, qu'il n'est pas d'autre moyen d'empêcher le faible orgueilleux
de se faire anéantir.
Lorsque des circonstances graves nécessitent une réunion
de tribus, les chefs en ordonnent la publication dans les
marchés ; à l'exception des malades, des vieillards, des
femmes et des enfants, personne ne manque au rendez-vous, si
grande que soit la distance à parcourir. Au jour fixé, les
tribus étant groupées séparément, les marabouts s'avancent
au centre et font expliquer par le crieur public le but de la
réunion, en demandant le conseil à suivre. Chacun a la
parole, chacun est écouté, quelle que soit sa classe. Les
opinions diverses étant recueillies, les marabouts se
réunissent en comité, et le crieur public fait connaître au
peuple leur décision. S'il ne s'élève aucune voix pour
faire de nouvelles réclamations, on invite l'assemblée à
battre des mains en signe de consentement. Cela fait, tous les
Kabyles déchargent leurs armes, ce que l'on nomme el meïz
: la décision.
Les choses que l'on raconte de l'influence des marabouts
dans le pays kabyle sont tellement surprenantes, qu'on hésite
à les croire. Les montagnards, dit-on, ne craindraient pas
d'égorger leurs propres enfants, s'ils en recevaient l'ordre
d'un marabout. Le nom de Dieu, invoqué par un malheureux que
l'on veut dépouiller, ne le protège pas ; celui d'un
marabout vénéré le sauve.
Les marabouts commandent aux marchés, et l'autorité des
amines s'efface devant la leur.
Les marchés sont libres, exempts d'impôts, de taxes ou de
droits, et de plus, ils sont inviolables. Chez les Arabes, un
homme qui a commis un délit ou un crime peut être arrêté
en plein marché ;
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