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Tout homme riche ou pauvre, connu ou inconnu dans le pays, qui se présente à la porte d'une zaouïa quelconque, y est reçu et hébergé pendant trois jours. Nul ne peut-être éconduit : l'exemple d'un refus de ce genre n'existe même pas. Ni le matin, ni le soir, les gens de la zaouïa ne prendront leur repas sans s'être assurés que les hôtes ont eu leurs besoins satisfaits. Le principe d'hospitalité s'étend même si loin dans ce lieu, qu'un cheval, un mulet égarés, y arrivant sans conducteur et par hasard, seront toujours reçus, installés et nourris jusqu'à ce qu'on vienne les réclamer.

Cet accueil absolu dans la maison de Dieu fait que les tourments de la faim et le vagabondage proprement dit restent ignorés des Kabyles. La vie du pauvre devient un long pèlerinage de zaouias en zaouias.

Considérées sous le rapport universitaire, les zaouias renferment, toutes, trois degrés d'instruction.

L'école primaire est ouverte à tous les enfants kabyles ou arabes. Quelques parents en envoient de très-loin, plutôt que d'avoir recours aux petites écoles des tribus. On paie six douros de première mise pour chaque enfant, moyennant quoi il est nourri, logé et habillé aux frais de l'établissement, jusqu'à l'époque de son départ : ceci est la règle commune; mais nous verrons plus tard que les gens riches ajoutent à ce versement des cadeaux très-considérables. L'enfant apprend d'abord la formule religieuse de l'Islam : " Il n'y a de Dieu que Dieu, et Mahomet est son prophète ; " puis une demi-douzaine de prières et quelques versets du Koran. La plupart des Kabyles n'en savent pas plus long ; ils rentrent au sein de la famille, pour prendre part à ses travaux dès que leur développement physique le permet.

Ceux qui prolongent leur éducation apprennent à lire et à écrire, à réciter le texte du Koran, etc.

    

 

   
Après six ou sept ans, cette instruction secondaire leur permet de rentrer dans les tribus comme tolbas, et d'y ouvrir de petites écoles pour les enfants du peuple. Quand l'élève quitte la zaouïa, ses maîtres se rassemblent ; un d'eux lit le fatah sur lui. Le jeune homme, à son tour, les remercie, et il le fait ordinairement par cette formule à peu près consacrée : " ô mon maître, vous m'avez instruit, mais vous vous êtes donné pour moi beaucoup de mal. Si je vous ai causé quelque peine, je vous en demande le pardon au jour de la séparation".

Il convient d'ajouter en passant que le voisinage des zaouïas se ressent quelquefois de la turbulence propre aux nombreuses réunions de jeunes gens. Ce sont des querelles, des vols ; c'est la fréquentation des femmes kabyles que la loi a émancipées, etc. Les chefs des zaouïas passent leur vie à arranger les contestations que soulève chaque jour quelque nouvelle folie de leurs disciples.

Enfin, les études transcendantes réunissent, surtout dans quelques zaouïas plus renommées, des tolbas de toutes les régions. Il en vient, non seulement des divers points de l'Algérie, mais de Tunis, de Tripoli, du Maroc et de l'Égypte même. Ces savants paient, à leur entrée, quatre boudjous (1) et demi pour toute la durée du séjour qui reste entièrement à leur discrétion.
On apprend dans les zaouïas :

  1. La lecture et l'écriture.
  2. Le texte du Koran, jusqu'à le réciter intégralement sans une faute, et avec la psalmodie ou l'intonation convenable qui sert à maintenir la pureté du langage.
  3. La grammaire arabe (djayroumia). On n'enseigne le berbère nulle part : ses éléments n'existent plus.
  4. Les diverses branches de la théologie (touhhid et tassaououf ).

(1) Boudjou : pièce d'argent de la valeur d'environ 1 fr. 75 cent.

 
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