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- Voir un chacal en se levant, présage heureux ; deux corbeaux au moment de se mettre en route, signe d'un voyage prospère.
- Voir un lièvre le soir, mauvais augure ; apercevoir un corbeau seul, avant que de se mettre en route, motif d'inquiétude.

Les Kabyles, si incrédules au sujet des sortilèges le sont beaucoup moins sur la question des démons. Ils disent qu'il y en a en toute saison, excepté dans le Rhamadan, parce que Dieu les force à rester en enfer, pendant le mois sacré. Ils les craignent horriblement ; jamais un Kabyle ne sortira la nuit de sa maison, sans les conjurer, au nom de Dieu le puissant, le miséricordieux. Il en fera autant quand il passera près d'un endroit où il y a eu du sang versé; car les démons qui aiment le sang n'ont pas manqué de s'y donner rendez-vous.

Il existe aussi, si ce n'est un préjugé, du moins un mépris général de l'ânesse ; et à un tel point que, dans certaines tribus, un Kabyle, pour rien au monde, ne voudrait en voir une entrer dans sa maison. On raconte une légende qui expliquerait cette aversion par un acte hors nature du temps des anciens Kabyles.

 

II.

 
L'Arabe déteste le travail ; il est essentiellement paresseux : pendant neuf mois de l'année, il ne s'occupe que de ses plaisirs. Le Kabyle travaille énormément et en toute saison ; la paresse est une honte à ses yeux.

L'Arabe laboure beaucoup; il possède de nombreux troupeaux qu'il fait paître ; il ne plante point d'arbres. Le Kabyle cultive moins de céréales, mais il s'occupe beaucoup de jardinage. Il passe sa vie à planter, à greffer ; il a chez lui des lentilles, des pois chiche, 

    

 

   
des fèves, des artichauts, des navets, des concombres, des ognons, des betteraves, du poivre rouge, des pastèques, des melons. Il cultive le tabac à fumer ; il plante des pommes de terre depuis quelque temps ; il possède des fruits de toute espèce : olives, figues, noix, oranges, poires, pommes, abricots, amandes, raisins.

La principale richesse du pays consiste dans ses oliviers dont beaucoup sont greffés et qui atteignent quelquefois les dimensions du noyer. Les olives d'excellente qualité entrent pour une grande part dans la nourriture des Kabyles ; mais il en reste énormément à vendre soit comme fruit, soit comme huile. Celle-ci s'exporte dans des peaux de bouc, à Alger, à Bougie, à Dellys, à Sétif, sur tous les marchés de l'intérieur.

La terre de labour n'étant pas très abondante, eu égard à la population, les Kabyles n'en négligent aucune parcelle. Ils donnent deux façons à la terre et la couvrent d'engrais, mais ne lui laissent presqu'aucun repos ; on la trouve rarement en jachères ; ils ne pratiquent point l'assolement.

Leurs champs sont en général assez bien nettoyés et quelques-uns rendent jusqu'à 25 pour 1. Le blé, battu de la façon la plus barbare, au moyen de taureaux qui travaillent en cercle sur l'aire, et vanné grossièrement avec un bout de planche, ne passe point au crible ; il est conservé comme celui des Arabes dans des silos (en arabe : metmora), ou bien encore dans de grands paniers en osiers, qui sont très évasés en bas et étranglés du haut.

L'Arabe voyage quelquefois pour trouver des pâturages ; mais il ne sort jamais d'un certain cercle. Chez les Kabyles, un des membres de la famille s'expatrie toujours. momentanément pour aller chercher fortune, aussi en trouve-t-on à Alger, à Sétif, à Bône, Philippeville, Constantine, Tunis, partout. 

 
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