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Ils travaillent comme maçons, jardiniers, moissonneurs ; ils font paître les troupeaux... Lorsqu'ils ont amassé un peu d'argent, ils rentrent au village, achètent un fusil, un bœuf, et puis se marient.

L'Arabe n'a point d'industrie, proprement dite, quoiqu'il confectionne des selles, des harnachemens, des mors, etc. Le Kabyle, au contraire, est industrieux : il bâtit sa maison, il fait de la menuiserie; il forge des armes, des canons et des batteries de fusil, des sabres (flissas), des couteaux, des pioches, des cardes pour la laine, des socs pour la charrue. Il fabrique des bois de fusil, des pelles, des sabots, les métiers pour tisser. Chez lui se travaillent les burnous et les habayas, vêtements de laine; les haikhs de femme, les chachias blanches : sa poterie est renommée. Il fait de l'huile avec les olives qu'il récolte dans sa propriété, et confectionne lui-même les meules de ses pressoirs. La forme la plus commune des pressoirs est celle-ci : un vaste bassin en bois ; d'un seul morceau ; à chaque extrémité de l'un de ses diamètres, un montant vertical qui s'entrave dans une barre horizontale ; celle-ci, percée au milieu, laisse passer une vis en bois, terminée par une meule d'un diamètre un peu inférieur à celui du bassin. La vis exerce une pression sur les olives placées sous la meule et qu'on a d'abord fait bouillir.

Les Kabyles dressent encore des ruches pour les abeilles ; ils font la cire, et ne se servent pour les pains, que de moules travaillés chez eux. Ils savent cuire les tuiles dont le cent coûte de 2 fr. à 2 fr. 50 cent. Dans certaines localités, on confectionne des dalles de liège. Ils connaissent la chaux; ils en sont, du reste, fort avares, et, ne l'emploient que pour blanchir les mosquées et les koubbas des marabouts. Pour leurs maisons ils utilisent le plâtre, qui parait abonder chez eux. La carrière de Thisi, chez les Beni-Messaoud, à une lieue et demie de Bougie, en fournit une grande quantité.

 

    

 

   
Ils font du savon noir avec l'huile d'olive et la soude des varechs ou la cendre de laurier-rose, tressent des paniers pour porter les fardeaux, confectionnent des nattes en palmier-nain, ou bien encore filent des cordes en laine et en poils de chèvre ; enfin, ils poussent l'habileté industrielle jusqu'à produire de la fausse monnaie. Nous allons nous étendre sur quelques-unes des branches d'industrie précitées. Commençons par la dernière. Depuis un temps immorial, les Kabyles établis à Ayt-el-Arba, village considérable de la tribu des Beni-lanni, se livrent à cette coupable industrie. D'autres ateliers moins considérables se trouvent encore au village d'Ayt-Ali-ou-Harzoun, à quinze lieues sud-est d'Ayt-el-Arba, éloigné, lui-même, d'Alger, d'une quarantaine de lieues.

La position du repaire de ces faux-monnayeurs est au sommet d'une montagne protégée par un défilé très étroit et presqu'inaccessible. C'est là, qu'à l'abri de toute attaque, ils imitent les monnaies de cuivre, d'argent et d'or de tous les pays du monde. Les matières premières leur sont fournies en partie par des mines voisines. Le cuivre, l'argent leur viennent de tous les points du pays barbaresque, du Sahara même, par des hommes qui, non seulement apportent à Ayt-el-Arba, les produits de leur pays, mais encore viennent y acheter des espèces falsifiées. On les paie avec des monnaies de bon aloi sur le pied de 25 pour %. La simple inspection d'une pièce contrefaite prouve que le procédé employé, pour l'obtenir, est généralement celui de la fusion. En effet, toutes les pièces présentent un diamètre tant soit peu inférieur à celui des modèles, résultat forcé du retrait qu'elles ont subi par le refroidissement, à la sortie d'un moule provenant des pièces véritables. Le relief des figures, des lettres, est ordinairement mal accusé, et l'aspect du métal est terne ou cuivreux. Il faut le dire cependant, et tous ceux qui en ont vu l'affirmeront, la plupart de ces fausses pièces tromperaient le premier coup d'œil : quelques-unes exigent un examen assez minutieux.

 
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