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Les moyens de répression, employés sous les Turcs pour s'opposer à l'invasion des fausses monnaies, étaient en tout conformes aux procédés despotiques et arbitraires que pouvait alors se permettre l'autorité.

Les gens d'Ayt-el-Arba et ceux d'Ali-ou-Harzoun, ne sortant jamais de leur retraite, étaient obligés de confier à d'autres le soin de colporter leurs produits ; car si les Kabyles protègent les fabricants de fausse monnaie, ils sont impitoyables pour celui qui chercherait à la mettre en circulation dans le pays. Il fallait donc la faire sortir de la Kabylie ; c'étaient les Beni-Ianni, les Beni-Menguelat, les Beni-Boudrar, les Beni-Ouassif qui étaient ordinairement chargés de cette mission.

De là vient sans doute l'éloignement des autres Kabyles pour ces tribus. Tous ces gens étaient surveillés d'une manière particulière, et ne pouvaient voyager dans l'intérieur sans la permission du caïd de Sebaou, qui ne l'accordait pas sans percevoir un droit de deux douros d'Espagne. Faute de présenter ce permis, qu'on refusait d'ailleurs à tous les gens suspects du trafic des monnaies, le premier voyageur venu subissait la confiscation de ses marchandises, mulets, etc.

Trois ans avant l'entrée des Français à Alger, la fausse monnaie s'était multipliée d'une manière effrayante. L'Agha-Yahia, qui jouissait d'une grande réputation chez les Arabes, furieux de voir sa surveillance en défaut, fit arrêter, un même jour, sur les marchés d'Alger, de Constantine, de Sétif et de Bône , les hommes de toutes les tribus, connues pour se livrer à cette émission. On incarcéra de la sorte une centaine d'individus que le pacha annonça devoir mettre à mort, si on ne lui livrait les moules ou matrices qui servaient à la fabrication. Les gens d'Ayt-el-Arba, pour sauver leurs frères, envoyèrent tous leurs instrumens, et les prisonniers ne furent encore mis en liberté qu'après avoir payé une forte amende. 

    

 

   
Cet échec éprouvé par les faux-monnayeurs ne les dégoûta point du métier.

Ayt-el-Arba ne perdit rien de sa prospérité , et le nombre de commerçans, qui viennent s'y approvisionner de tous les points, du Maroc, de Tunis, du Sahara, de Tripoli, n'en fut aucunement diminué.

Un Kabyle pris en flagrant délit d'émission de fausse monnaie était mis à mort, sans aucune forme de procès. C'était le seul cas pour lequel la justice fût inexorable, et dans lequel l'argent, qui rachetait tous les autres crimes, ne put faire incliner sa balance.

Des industries plus honorables, ne piquant pas autant la curiosité, sont peut-être un peu moins connues. La fabrication de la poudre est concentrée dans la tribu des Reboulas ; elle s'y fait en grand et par des procédés analogues aux nôtres. Le salpêtre abonde dans les cavernes naturelles ; il effleurit sur leurs parois. Recueilli comme le salpêtre de houssage, il est lavé, puis obtenu par l'évaporation. Le charbon provient du laurier-rose et il jouit des meilleures propriétés; le soufre arrive du dehors.

Le dosage est réglé comme chez nous ; le séchage s'opère au soleil. Cette poudre kabyle, un peu moins forte que la nôtre, n'est ni lisse, ni égale, mais elle ne tache point la main et elle satisfait aux conditions d'une bonne poudre de guerre. Les cartouches kabyles sont bien roulées ; elles se vendent en plein marché. Le prix moyen de la cartouche est 0 fr. 40 cent., de qui doit paraître excessif.

Les balles sont en plomb et fort irrégulières. L'exploitation du plomb a lieu, sur une échelle très-considérable, dans la tribu des Beni-Boulateb, près Sétif.

 
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