les sépare ; il ne s'accordent
que sur un point : le Kabyle déteste l'Arabe, l'Arabe
déteste le Kabyle.
Une antipathie si vivace ne peut être attribuée qu'à un
ressentiment traditionnel, perpétué d'âge en âge entre la
race conquérante et les races vaincues. Corroborée par
l'existence indélébile de deux langues distinctes, cette
conjoncture passe à l'état de certitude.
Physiquement, l'Arabe et le Kabyle offrent une dissemblance
qui constate leur diversité de souche. En outre, le Kabyle
n'est point homogène ; il affecte, selon les lieux, des types
différents, dont quelques-uns décèlent la lignée des
barbares du Nord.
Dans les mœurs, mêmes divergences. Contrairement aux
résultats universels de la foi islamiste, en Kabylie nous
découvrons la sainte loi du travail obéie, la femme à peu
près réhabilitée, nombre d'usages où respirent
l'égalité, la fraternité, la commisération chrétiennes.
Passons à l'examen des formes sociales et des lois ; le
phénomène s'y révèle encore mieux. Tandis que tous les
Musulmans du globe s'en tiennent au Koran, comme au code
complet, universel, qui embrasse la vie entière de l'homme,
et règle jusqu'aux moindres détails de sa conduite publique
ou privée, les Kabyles, par exception, observent des statuts
particuliers qu'ils tiennent de leurs ancêtres, qu'ils font
remonter à des temps antérieurs. Sur plusieurs points fort
importants, tels que la répression du vol, du meurtre, etc.,
ces statuts ne s'accordent point avec les arrêts du Koran ;
ils semblent incliner davantage vers nos idées en matière
pénale ; enfin, ces statuts portent un nom qui conserve
admirablement le cachet de leur origine chrétienne, ils
s'appellent kanôuns (1).
|