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L'Arabe est vaniteux. On le voit
humble, arrogant tour-à-tour. Le Kabyle demeure toujours
drapé dans son orgueil. Cet orgueil prête de l'importance
aux moindres choses de la vie, impose à tous une grande
simplicité de manières, et, pour tout acte de déférence,
exige une scrupuleuse réciprocité. Ainsi , l'Arabe baise la
main et la tête de son supérieur avec force compliments et
salutations, s'inquiétant peu, du reste, qu'on lui rende ou
non ses politesses. Le Kabyle ne fait pas de compliments il va
baiser la main, la tête du chef ou du vieillard ; mais quelle
que soit la dignité, quel que soit l' âge de celui qui a
reçu cette politesse, il doit la rendre immédiatement.
Si-Saïd-Abbas, marabout des Beni-Haffaf, se trouvait un jour
au marché du vendredi des Beni- Ourtilan ; un Kabyle, nommé
Ben-Zeddam, s'approcha de lui et lui baisa la main. Le
marabout, distrait sans doute ne le rendit pas ce salut :
" Par le péché de ma femme, dit Ben-Zeddan, qui se
campa bien en face de Si-Saïd, son fusil à la main, tu vas
me rendre ce je t'ai prêté tout à l'heure, ou tu es mort.
" Et le marabout s'exécuta.
L'Arabe est menteur. Le Kabyle regarde le mensonge comme
une honte.
Les Arabes, dans la guerre, procèdent, le plus souvent par
surprise et par trahison. Le Kabyle prévient toujours son
ennemi, et voilà comment il le fait : le gage de la paix
entre deux tribus consiste dans l'échange d'un objet
quelconque, d'un fusil, d'un bâton, d'un moule à balles,
etc. C'est ce que l'on appelle le mezrag : la lance.
Tout porte à croire qu'avant l'invention des armes à feu, le
dépôt d'une lame était effectivement le symbole de trêve
et de bonne amitié.
Quand une des deux tribus veut rompre le traité, son chef
renvoie simplement le mezrag, et la guerre se trouve
déclarée.
Les Arabes se contentent, de la dia, prix du sang, en
expiation d'un meurtre commis sur l'un des membres de leur
famille.
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Chez les Kabyles, il faut que
l'assassin meure. Sa fuite ne le sauve pas ; car la vengeance
est une obligation sacrée. Dans quelque région lointaine que
le meurtrier se retire, la vendette le suit.
Un homme est assassiné, il laisse un fils en bas âge. La
mère apprend de bonne heure à ce dernier le nom de
l'assassin. Quand le fils est devenu grand, elle lui remet un
fusil et lui dit : " Va venger ton père ! " Si la
veuve n'a qu'une fille, elle publie qu'elle ne veut point de
dot (1) pour elle, mais qu'elle la donnera seulement à celui
qui tuera l'assassin de son mari.
L'analogie est saisissante entre ces mœurs et celles de la
Corse ; elle se dessine encore davantage dans les traits
suivants. Si le vrai coupable échappe à la vendette et lasse
sa persévérance, alors celle-ci devient transversale ; elle
tombe sur un frère ou l'un des parents les plus proches, dont
la mort nécessite à son tour de nouvelles représailles. Par
suite, la haine entre les deux familles devient héréditaire.
De part et d'autre des amis, des voisins l'épousent. Il en
sort des factions ; il peut en résulter de véritables
guerres.
Les Arabes donnent l'hospitalité ; mais ils y mettent plus
de politique et d'ostentation que de cœur. Chez les Kabyles,
si l'hospitalité est moins somptueuse, on devine au moins
dans ses formes l'existence d'un bon sentiment; l'étranger,
quelle que soit son origine, est toujours bien reçu, bien
traité. Ces égards sont encore plus grands pour le réfugié
que rien au monde ne pourrait forcer à livrer. Les Turcs,
l'émir Abd-el-Kader ont toujours échoué dans leurs demandes
ou leurs efforts contraires à ce noble principe.
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(1) Les Kabyles achètent leurs femmes ; on
le verra plus loin
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