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Cette cérémonie se fait en grande pompe. Chaque village a sa musique composée de deux espèces de clarinettes turques et de tambours. Ces musiciens figurent dans le cortège nuptial ; ils chantent en s'accompagnant ; les femmes, les enfants font retentir l'air de leurs cris joyeux ; you ! jou ! jou ! On tire une multitude de coups de fusils, et les jeunes gens du village, en totalité ou en partie, selon la richesse de l'époux sont invités à un grand repas.

Chez les Arabes, quand il naît un enfant mâle on se réjouit, on se complimente, mais la fête reste en famille ; si la mère est accouchée d'une fille, les femmes seules font une réjouissance. Chez les Kabyles, la naissance d'un enfant mâle donne lieu à la convocation de tous les voisins et des amis des villages environnants. On fait des décharges d'armes, on tire à la cible. Sept jours après, le père donne un grand repas. La circoncision n'a pas lieu avant six ou huit ans, bien qu'elle devienne plus douloureuse. Si c'est une fille qui vient au monde, on ne change rien aux habitudes de la vie, à l'aspect de la maison, parce qu'elle n'accroît en rien la force de la tribu : l'enfant devenu grand se mariera et quittera peut-être le pays pour suivre un nouveau maître.

Chez les Arabes, lorsqu'une famille perd quelqu'un des siens, les amis et voisins assistent à l'inhumation, et puis chacun s'en retourne à ses affaires. Chez les Kabyles, tout le village est présent aux funérailles.

Personne ne doit travailler ; tous se cotisent, à l'exception des parents du défunt, pour donner l'hospitalité aux Kabyles des autres villages qui sont venus apporter leur tribut de douleur. Les morts ne sont point déposés dans une bière. Après les avoir soigneusement lavés, on les enveloppe d'une espèce de drap ; puis, on les confie à la terre.

    

 

   
Les femmes kabyles ont une plus grande liberté que les femmes arabes ; elles comptent davantage dans la société.
Ainsi, la femme kabyle se rend au marché pour faire les provisions de la maison, pour vendre, pour acheter. Son mari aurait honte d'entrer, comme l'Arabe, dans de semblables détails.

La femme arabe ne peut paraître aux réunions avec les hommes; elle garde toujours son mouchoir, ou se voile avec le kaïk. La femme kabyle s'assied où elle veut ; elle cause, elle chante, son visage reste découvert. L'une et l'autre portent, dès l'enfance, de petits tatouages sur la figure ; mais le tatouage de la femme kabyle présente une particularité bien remarquable : il affecte ordinairement la forme d'une croix. Sa place habituelle est entre les deux yeux ou sur une narine. Les Kabyles perpétuent cet usage, sans pouvoir en faire connaître l'origine, qui semble dériver de l'ère chrétienne. Un fait digne de remarque appuierait cette conjecture en apparence : c'est qu'aucun taleb ou marabout n'épouse une femme, ainsi tatouée, sans lui faire disparaître le signe par une application de chaux et de savon noir. Mais il convient aussi de remarquer que tous les tatouages sont défendus par le Koran, qui les flétrit du nom de ketibet et chytan, écriture du démon.

La femme arabe ne mange pas avec son mari, encore moins avec ses hôtes. La femme kabyle prend ses repas avec la famille ; elle y participe même lorsqu'il y a des étrangers.

La femme arabe n'est jamais réputée libre de ses actions. La femme kabyle, abandonnée par son mari, rentre dans la maison de son père ou de son frère, et, tant que son isolément dure, elle jouit d'une entière liberté de mœurs. La femme divorcée se trouve dans le même cas. Cette licence expliquerait la prétendue coutume que plusieurs historiens attribuent aux Kabyles ; d'offrir leurs femmes ou leurs filles à des hôtes de distinction.

 
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