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L'existence, dans chaque tribu,
d'un certain nombre de femmes libres, amble avoir préservé
les Kabyles d'un genre de débauche contre nature, si
fréquent parmi les Arabes, et qui, chez eux, serait puni de
mort.
Dans certaines tribus, notamment chez le Yguifsal, les
femmes et les filles livrées à la prostitution paient,
chaque année, au jour de l'an, une espèce de patente, qui ne
s'élève pas à moins de cinq douros : cet argent est versé
au trésor public. Elles cessent de payer quand elles se
marient ou renoncent à leur état. Mais cet usage n'est pas
général. D'après ce qui précède, on sera médiocrement
surpris d'apprendre que les Kabyles affichent beaucoup moins
haut que les Arabes leurs prétentions à la virginité des
jeunes filles qu'ils épousent.
La femme arabe qui est sans nouvelles de son mari depuis un
an ou deux, ou qui n'a point de quoi vivre chez lui, demande
le divorce, et la loi prescrit au cadi de le prononcer.
La femme kabyle ne peut se remarier que lorsqu'elle a la
preuve certaine de la mort de son époux. Si sa position est
malheureuse, on lui donne du travail, ou la tribu vient à son
secours. Le divorce toutefois est très usité chez les
Kabyles ; mais il est pour ainsi dire livré au caprice du
mari. Celui qui veut divorcer, dit, à sa femme : je te
quitte pour 100 douros, et la femme se retire avec cette
somme chez ses parents. Si elle se remarie, elle doit rendre
l'argent à son premier époux; mais si elle ne contracte pas
de nouveaux liens, elle le conserve en toute propriété pour
subvenir à ses besoins.
Ce qui rend cette mesure nécessaire, c'est que les filles
n'ont aucun droit à l'héritage de la famille. La raison en
est que la femme étant forcée de suivre son mari, pourrait
augmenter les ressources d'une tribu étrangère. Le Kabyle
est d'autant plus riche qu'il a plus de filles, puisqu'il
reçoit une dot pour chacune, et qu'il ne leur donne jamais
rien.
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La femme du peuple chez les
Arabes est ordinaire ment sale. La femme kabyle est plus
propre; elle doit faire deux toilettes par jour : le matin,
elle se lave ; le soir, elle se pare de tous ses ornements ;
elle met du henné, etc. Cette coutume vient de ce qu'elle
parait à la table des hôtes. Il est possible que cette
recherche ait contribué à établir la réputation qu'ont les
femmes kabyles de surpasser les femmes arabes en beauté.
Toujours est-il que ce renom existe ; il se rapporte
principalement à la distinction des formes.
Enfin, non seulement les femmes kabyles sont plus libres,
plus considérées plus influentes que les femmes arabes; mais
elles peuvent même aspirer aux honneurs et au pouvoir
dévolus à la sainteté. La Koubba de Lella Gouraya, qui
domine Bougie, éternise la mémoire d'une fille célèbre par
sa science et sa piété. La légende raconte qu'elle
revenait, après sa mort, instruire les disciples fidèles,
qui s'assemblaient encore sur son tombeau. Il y a dans la
Kabylie d'autres koubbas consacrées à des femmes ; et sans
sortir des exemples vivants, on peut citer, comme jouissant
d'une haute réputation de ce genre, la fille du fameux
marabout Sidi Mohamed-ben-Abder-Rahman (1) et Kafnaouï, qui
reçoit elle-même les offrandes religieuses au tombeau de son
père, et que tous les Kabyles connaissent sous le nom de
bent-el-cheikh (2) : la fille du cheikh.
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V. |
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Politiquement parlant, la Kabylie
est une espèce de Suisse sauvage. Elle se compose de
tribus indépendantes les unes des autres, du moins en droit,
se gouvernant elles-mêmes comme des cantons, comme des états
distincts, et dont la fédération n'a pas pas même de
caractère permanent, |
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(1) Sid , ou si par
abréviation : sieur, seigneur. Sidi : monseigneur. Abd
: serviteur; rahman miséricordieux. Abd-er-Rahman :
serviteur du miséricordieux.
(2) Cheikh : vieux, vénérable ; et par suite, cbef. |
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