Ce meurtre épouvantable fut à peine commis qu'il excita,
même chez les Kabyles, de vives réprobations ; un grave
dissentiment en résulta au sein des tribus voisines de
Bougie. Les moins passionnées dans leur haine contre
l'étranger déclarèrent que cet acte avait dépassé les
bornes d'une représaille légitime ; et Amzian, obligé de
courber la tête sous ce jugement des siens, après avoir
d'abord fait parade de son crime, chercha bientôt toutes les
occasions de s'en disculper aux yeux de ses compatriotes et
aux yeux des Français.
D'autre part, le même attentat creusait un abîme profond,
infranchissable, entre les conquérants de la ville et les
habitants du pays. Dorénavant, aucun des chefs français ne
pouvait plus entrer en négociations avec l'assassin impuni de
son prédécesseur ; il fallait donc se résigner au blocus
perpétuel et ménager sa garnison en la tenant sur une
défensive absolue. C'étaient bien là les instructions
récentes de l'autorité supérieure ; mais l'histoire leur
imprimait un sceau sanglant, plus propre que celui du pouvoir
à en assurer l'observance rigoureuse. De leur côté, les
Kabyles, après avoir essuyé tant d'échecs sous les murs de
la place, désespéraient depuis longtemps d'en chasser les
chrétiens. L'immobilité de ceux-ci, mettant d'ailleurs un
terme à leur inquiétude, ils ne devaient plus en général
commettre d'agression que par l'intempérance momentanée
d'une humeur belliqueuse.
Les combats opiniâtres que nous avons décrits allaient
dégénérer en coups de main sur le troupeau, en embuscades
près des avant-postes ; hostilités continuelles où la
garnison et les officiers de Bougie firent preuve d'une
vigilance, d'un courage à toute
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