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L'interprète Taponi avait la principale blessure à la poitrine ; les poumons étaient traversés. Il en portait de moindres sur le corps. C'était un bon et brave jeune homme, d'origine maltaise, intelligent, réservé, mais surtout dévoué aux Français.

Ce meurtre épouvantable fut à peine commis qu'il excita, même chez les Kabyles, de vives réprobations ; un grave dissentiment en résulta au sein des tribus voisines de Bougie. Les moins passionnées dans leur haine contre l'étranger déclarèrent que cet acte avait dépassé les bornes d'une représaille légitime ; et Amzian, obligé de courber la tête sous ce jugement des siens, après avoir d'abord fait parade de son crime, chercha bientôt toutes les occasions de s'en disculper aux yeux de ses compatriotes et aux yeux des Français.

D'autre part, le même attentat creusait un abîme profond, infranchissable, entre les conquérants de la ville et les habitants du pays. Dorénavant, aucun des chefs français ne pouvait plus entrer en négociations avec l'assassin impuni de son prédécesseur ; il fallait donc se résigner au blocus perpétuel et ménager sa garnison en la tenant sur une défensive absolue. C'étaient bien là les instructions récentes de l'autorité supérieure ; mais l'histoire leur imprimait un sceau sanglant, plus propre que celui du pouvoir à en assurer l'observance rigoureuse. De leur côté, les Kabyles, après avoir essuyé tant d'échecs sous les murs de la place, désespéraient depuis longtemps d'en chasser les chrétiens. L'immobilité de ceux-ci, mettant d'ailleurs un terme à leur inquiétude, ils ne devaient plus en général commettre d'agression que par l'intempérance momentanée d'une humeur belliqueuse.

Les combats opiniâtres que nous avons décrits allaient dégénérer en coups de main sur le troupeau, en embuscades près des avant-postes ; hostilités continuelles où la garnison et les officiers de Bougie firent preuve d'une vigilance, d'un courage à toute 

    

 

   
épreuve ; mais hostilités partielles, sans résultat possible et que l'histoire, par suite, ne saurait enregistrer un à un. Immédiatement après l'assassinat, le chef d'escadron d'artillerie Lapène fut appelé, par son ancienneté de grade, au commandement supérieur.

Il parvint à calmer l'effervescence de la garnison, et sut promptement opposer des ressources suffisantes aux efforts qu'il redoutait de l'ennemi. Du reste, l'évènement ne justifia pas ses prévisions, et ce fut seulement les 25 et 26 septembre qu'on vit reparaître des Kabyles. Une sortie très-animée les refoula plus loin que Dar Nassar, où des discordes intestines achevèrent leur dissolution.

 

VII.

 
Le lieutenant-colonel d'état-major Chambouleron, nommé commandant supérieur ; entre en fonctions le 1er octobre 1836.

Pendant les quinze mois que dure son séjour à Bougie, on ne cite qu'un engagement de quelque importance : il est remarquable par l'incendie du village de Tarmina, vis-à-vis Dar Nassar. De nouvelles additions sont faites aux ouvrages de défense ; ce sont : le fort Lemercier, les tours Doriac et Salomon. Admis à la retraite le 1er janvier 1838, cet officier supérieur est remplacé par le lieutenant-colonel Bedeau, de la légion étrangère.

Le nouveau commandant se voit appelé par exception, à sortir du rôle passif et à opérer une sortie plus étendue qu'aucune de celles de ses prédécesseurs. Il ne s'agissait toutefois que de démonstrations ; celles-ci avaient pour but d'attirer fortement sur Bougie l'attention des Kabyles de l'est, pendant qu'une expédition toute préparée allait faire la conquête de Gigelly. Mieux connues aujourd'hui, les populations de ces montagnes ne nous paraissent 

 
 
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