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pas offrir un ensemble qui puisse justifier des diversions aussi lointaines. Quoi qu'il en soit, le colonel Bedeau s'empara du col de Thisi, sans coup férir, par une marche de nuit, et domina la plaine durant plusieurs jours (12,13,14 mai 1839 ). Tantôt en se portant jusqu'au village de Mellala, tantôt en affectant l'intention de passer la Summam, il réussit à attirer devant lui des masses de Kabyles assez imposantes, et à les occuper loin du point où l'on redoutait leur présence. Sa marche rétrograde sur Bougie fut, comme à l'ordinaire, le signal d'une attaque générale. La colonne repoussa victorieusement ses agresseurs, et rentra dans la ville sans autre mal qu'une vingtaine d'hommes hors de combat.

Sur ces entrefaites, le commandant supérieur reçut une demande de renfort pressée ; pour le corps expéditionnaire de Gigelly. Il envoya de suite, par un bâtiment à vapeur, toutes les forces qui ne lui étaient pas strictement indispensables, et cette réduction d'effectif lui interdit d'autres sorties.

Les successeurs du colonel Bedeau furent :

En octobre 1839, le lieutenant-colonel d'état-major de Tussac ;
En décembre 1839, le colonel d'état-major Dubarret ; le colonel comte de Polignac ;
En décembre 1840 , le lieutenant-colonel Daugustin ;
En décembre 1841, le lieutenant-colonel d'état-major Gaulier ;
En mai 1842, le chef de bataillon Ducourthial, de
l'état-major des places ;
En mai 1846, le chef-d'escadron d'état-major Morlot de Wengy.

De ces dernières années d'occupation, une moitié, la première, n'offre aucun fait qu'on désire sauver de l'oubli ; et, pendant sa durée, l'honneur du drapeau français n'est même pas toujours sauvegardé contre l'insolence des montagnards. Si des besoins d'un ordre supérieur empêchaient d'immobiliser, à Bougie, des fortes suffisantes, peut-être eût-il été possible d'y débarquer, 

    

 

   
à l'improviste, plusieurs bataillons qui eussent infligé en quelques jours, à la tribu des Mzaïas, un juste et mémorable châtiment. Le nombre de nos bâtiments à vapeur, et la proximité d'Alger, facilitaient singulièrement un pareil coup de main.

La période suivante offre un heureux contraste. On y suit, à vue d'œil, les progrès de notre influence. D'abord, ce sont des reconnaissances dirigées avec succès par le commandant Ducourthial dans les montagnes environnantes ; puis une attention soutenue de ce chef et de son successeur à ne laisser aucune insulte sans répression. Le commandant Morlot de Wengy parvient à intervenir avec poids dans les affaires des tribus voisines : tour à tour il les frappe, les intimide ou les attire, et finit par en recevoir quelques offres de soumission.

Si honorables qu'ils fussent pour la garnison de Bougie, ces succès n'étaient toutefois que le contre-coup des victoires remportées par nos colonnes actives dans le sein même de la Grande Kabylie. Les commandants de la petite place avaient seulement tiré le meilleur parti possible d'une situation nouvelle qu'ils n'avaient ni créée, ni pu créer eux-mêmes. Par ce motif, nous n'avons point à nous appesantir sur les détails de leurs opérations ; par ce motif aussi, nous éloignons notre lecteur d'une scène devenue secondaire, pour l'introduire enfin sur celle où la destinée du pays doit s'accomplir.

 
 

 
 
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