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descendirent sans éclat dans la
maison de Boucetta lui-même, très-voisine du port. Mais à
peine s'y trouvaient-ils depuis une demi-heure, que le bruit
du débarquement d'un Français, courant la ville, y soulevait
une véritable émeute. Prévenus à temps, le capitaine de
Lamoricière, avec son guide, regagnèrent en hâte leur
embarcation ; ils s'éloignaient à peine du rivage qu'une
foule menaçante et armée l'envahissait déjà. On comprendra
difficilement qu'après une manifestation pareille,
l'autorité française ait conservé l'espoir d'une conquête
facile ; mais ses illusions furent entretenues par l'auteur
même de la reconnaissance. Quant à Boucetta, plus animé
qu'auparavant, après ce mauvais accueil de ses compatriotes,
il trouva moyen d'en gagner quatre, alors présents à Alger,
au nombre desquels le kabyle Medani que nous retrouverons plus
tard, et, s'appuyant sur leur assertion conforme, réussit à
colorer les derniers faits aux yeux du nouveau gouverneur :
c'était alors le lieutenant-général Voirol, chargé de ce
commandement par intérim.
Toutefois, on rejeta l'idée précédemment admise de
confier le coup de main à un seul bataillon, encore qu'on
eût fait choix, pour le commander, de l'officier supérieur
qui jouissait alors en Afrique de la plus haute réputation,
le chef de bataillon Duvivier. Le ministre de la guerre
décida de former à Toulon un corps expéditionnaire, en
dehors de l'effectif de l'armée d'Afrique ; il y mit le plus
grand secret. Le maréchal-de camp Trézel chef d'état-major
à Alger, le capitaine de Lamoricière, Boucetta et ses quatre
concitoyens durent se rendre à Toulon, sans aucun avis
officiel de leur destination ultérieure. Ils y trouvèrent,
en apprêts de départ, deux bataillons du 59e, deux batteries
d'artillerie, une compagnie de sapeurs du génie, une section
d'ouvriers d'administration et une petite escadre composée de
la Victoire, frégate; l'Ariane et la Circé,
corvettes ; le Cygne, brick; l'Oise, la Durance
et la Caravane, gabarres.
Le général Trézel reçut alors une lettre ministérielle
qui lui confiait le commandement de l'expédition.
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L'escadre, sous les ordres du
capitaine de vaisseau Parceval, appareilla le 22 septembre
1833 ; elle entra le 29, au point du jour, dans la rade de
Bougie.
Qu'on se figure, au bord de la mer, une plage étroite et
rocheuse, puis un escarpement fort raide, jusqu'à la hauteur
de vingt mètres ; ensuite une pente plus douce, une sorte de
plateau qui vient se heurter brusquement aux flancs abrupts du
Gouraya ; et tout-à-coup ce mont, comme un rideau jeté
derrière la ville, dressant sa crête dentelée à près de
sept cents mètres au dessus du niveau de la mer.
Tel est le site de Bougie. On y remarque un accident
essentiel ; le ravin de Sidi-Touati, qui partage la ville en
deux et déverse les eaux pluviales du Gouraya sous la porte
de la Marine, presqu'au point de débarquement. Vue du large,
cette coupure laisse à droite la croupe et le quartier de
Bridja, dont une pointe extrême vient fermer le mouillage de
la ville, et le commande par les feux du fort Abd-el-Kader ;
à gauche, la croupe et le quartier de Moussa qui dominent le
revers opposé, et renferment deux forts susceptibles d'une
bonne défense : la Casbah, presqu'au bord de la falaise, et
Moussa, faisant face à la montagne.
Le plan d'attaque auquel l'opinion des militaires semble
s'être arrêtée après coup, c'est-à-dire après une
connaissance des localités plus parfaite qu'on ne la
possédait alors, eût été d'appuyer avec toutes ses forces
vers la position de gauche, parce que l'occupation de la
Casbah et de Moussa faisait nécessairement tomber l'autre
quartier sans coup férir. Au lieu de cela, une attaque de
front fut dirigée sur tous les points ; l'ordre en était
donné, d'ailleurs, avec beaucoup de précision et de clarté
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