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lorsque heureusement ceux qui restaient, faisant rouler à la main des obus enflammés sur les bermes et dans le fossé, jettent la confusion parmi les assaillants : ils abandonnent la partie.

Le 23 juillet fut signalé par évènement bien désastreux pour la garnison. Des cavaliers s'étaient embusqués pendant la nuit sur le revers du mamelon de Demous, non loin du passage ordinaire des bœufs. Vers huit heures du matin, voyant le troupeau très-avancé et presque hors de protection du blockhaus de la plaine, ils fondent rapidement sur lui et enlèvent 357 têtes. L' escadron de chasseurs, lancé le plus tôt possible à la poursuite de l'ennemi avec quelques compagnies de réserve, ne peut rentrer en possession de ce précieux bétail : il n'en résulte qu'une perte nouvelle, 18 hommes tués ou blessés. La garnison déjà très-malheureuse sous le rapport alimentaire, se voit réduite à vivre de viande salée. Le capitaine de service à la garde du troupeau est traduit devant un conseil de guerre qui l'acquitte.

Le 13 août, 800 Kabyles seulement cherchent à attirer nos troupes hors de l'enceinte : on se contente de leur répondre à coups de canon.

Le 9 octobre, un rassemblement plus nombreux, après avoir attaqué de nuit le Gouraya, se jette sur les ouvrages supérieurs et leur fait éprouver le plus grand danger qu'ils eussent couru jusqu'alors. Depuis sept heures du matin jusqu'à minuit, trente hommes se défendent dans le blockhaus Salem, avec une énergie désespérée. L'âpreté de ce combat redouble à mesure que l'ennemi, repoussé du camp supérieur et des autres points, s'accumule avec plus de fureur autour de celui-ci.

Les balles vomies à travers les créneaux, et les grenades enflammées s'échappant des mâchicoulis frappent à coup sûr dans leur foule compacte ; mais, de plus en plus déterminés, ils parviennent à incendier les gabions qui revêtent la redoute, 

    

 

   
et le blokhaus est sur le point de devenir la proie des flammes, quand l'artillerie mobile et celle du camp supérieur, profitant des lueurs sinistres qui éclairent momentanément cette scène, balaient avec l'obus et la mitraille les abords du blockhaus qui se trouve enfin délivré.

Les Kabyles, après cet échec dans l'attaque opiniâtre d'un petit poste, semblent avoir compris leur impuissance contre tous nos ouvrages, et désormais on ne les verra plus s'y obstiner ainsi. Il en résulte que l'ardeur des tentatives militaires s'est également attiédie de part et d'autre, par la difficulté sensible d'atteindre un résultat. Le commandant français avait déjà perdu l'espoir d'amener les kabyles à composition ; ceux-ci comprennent à leur tour qu'ils ne réussiront jamais à chasser les chrétiens de Bougie. Double persuasion qui pouvait devenir la source de quelque arrangement Pacifique ou tout au moins commercial.

Quoique le colonel Duvivier ne se fût pas rebuté sans raisons, c'était une chose que le gouvernement ne perdait pas de vue. Il lui fallait produire quelques résultats pour justifier l'occupation très-onéreuse et très critiquée de Bougie. La controverse élevée sur ce point durait depuis le premier jour de la conquête, et devait se prolonger longtemps. Les avis officiels demeuraient même partagés.

Dès le principe, la froideur du général Noirol avait formé contraste avec l'enthousiasme du plus grand nombre de ses officiers. Le 20 octobre 1833, plusieurs membres de la commission d'Afrique, et M. le lieutenant-général Bonnet, son président, avaient relâché quelques heures à Bougie; l'examen de sa position politique et militaire, leur avait fait porter sur cette conquête un jugement défavorable. Au mois d'août 1834, des bruits si alarmants s'étaient répandus à Alger sur l'état de la garnison de Bougie, qu'on envoya le général Trézel sur les lieux, pour en faire un rapport exact ; 

 
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