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où il porte le nom de Bou-Sellam, et, rencontrant le mont Guergour, s'ouvre un passage étroit à travers ses masses rocheuses. Mais cette coupure est inaccessible partout ; aussi la route de Sétif à Bougie ne peut rejoindre que plus bas le cours de la rivière. Celle-ci continue jusqu'à la Summam de traverser un pays âpre, de contourner des montagnes d'une hauteur médiocre, mais irrégulières, confuses et difficilement viables. Ce sol si tourmenté n'en est pas moins couvert de bonnes terres végétales, de même qu'il recèle beau coup de mines dans son sein.

La chaîne du Jurjura, c'est-à-dire le massif le plus élevé du pays, détermine l'existence et la forme des deux autres bassins, à peu près concentriques, de la Summam et du Sebaou. Cette chaîne court parallèle ment au littoral compris entre Bougie et Dellys. Ses crêtes rocheuses dominent à plus de deux mille mètres le niveau de la mer. A part quelques arêtes dénudées, quelques ravins inextricables, quelques arrachements accidentels, le sol y est en général garni d'une épaisse couche de terre végétale, terre facile et productive qui ne manque ni de bois ni d'eau, présente rarement des obstacles insurmontables, et, sous tous les rapports, se prête beaucoup mieux au parcours que la plupart des autres Kabylies.

La ligne de partage des eaux devient naturellement une frontière politique et géographique entre les versants nord qui regardent la Méditerranée, et les versants méridionaux d'où l'œil projette à l'infini montagnes sur montagnes, pitons contre pitons, et embrasse pour ainsi dire une mer de vagues solides. Non seulement les bassins de la Summam et du Sebaou tracent, l'un en dedans, l'autre en dehors du Jurjura, deux anneaux concentriques, mais encore leur topographie contraste symétriquement ; leurs pentes suivent des mouvements opposés : le Sebaou coule de l'est à l'ouest pour tomber dans la mer, après avoir enveloppé Dellys ; tandis que, plus loin, la Summam descend en sens inverse du couchant au levant, mais 

    

 

   
Jetons maintenant les yeux sur la population qui couvre ce vaste territoire. On y saisit de même, au premier coup d'œil, un petit nombre de masses distinctes et compactes, ralliées fortement autour de certains intérêts communs, de certaines familles populaires, de certaines zaouïas vénérées ; quelques tribus seulement flottent d'un groupe à l'autre en raison des évènements ou des passions du jour. Mais si l'on examine de plus près l'intérieur des confédérations, on ne tarde pas d'y reconnaître aussi des rivalités intestines, des dissidences égoïstes, en un mot l'individualisme de la tribu. Que l'on approfondisse encore davantage ; et dans la tribu même on discernera bientôt les fractions, les villages, comme autant de nuances d'une couleur unique, comme autant de flèches du faisceau.

Or, c'est ici surtout que nous voulons éviter à l'esprit du lecteur une fatigue inutile, et le préserver de la plus dangereuse confusion. Loin de promener son attention dans ce dédale d'intérêts secondaires, de groupes en sous-ordre, nous la concentrerons exclusivement sur les grandes masses agglomérées.

 

II.

 
Commençons par celles qu'on rencontre en descendant le cours de l'Adjeb ; nous passerons ensuite en revue les vallées plus considérables de la Summam et du Sebaou.

Les premières intéressent surtout notre politique, par leur présence sur la seule voie de communication possible de Bougie à Sétif.

L'occupation de Sétif, dont l'histoire ne serait ici qu'un hors-d'œuvre, produisit de bonne heure un certain cercle de soumission qui s'étendit jusqu'au Guergour, et isola déjà des 

 
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