Pages précédentes LA GRANDE KABYLIE   CHAPITRE QUATRIÈME Pages suivantes
  Retour page Table des matières
   
  
Malgré la distinction qui vient d'être établie entre les Ameraouas, le soff de Taourga et celui du Haut Sebaou, presque toujours ils font cause commune en semble. Depuis une dizaine d'années, les uns et les autres reconnaissent une même influence, celle de Bel- Kassem-ou-Kassy (1).

Bel-Kassem-ou-Kassy, dont la famille originaire des Beni-Ouaguenoun jouit d'une considération très-ancienne, se trouve réunir ainsi sous son autorité cent-quatre-vingt-dix-sept villages et 21,400 fusils. Il passe chez les Kabyles pour un homme très-brave et très juste. S'il eût joint à ces éléments de puissance celui d'appartenir à la noblesse religieuse, nul doute que le premier rôle dans la lutte contre les chrétiens ne lui eût été dévolu. Mais nous le verrons au contraire, en pareille occurrence, décliner cet honneur et s'effacer devant un marabout.

Il convient de citer encore, dans cette région, Aômar-ben-Maby-ed-din comme un chef de haute importance.

Deux confédérations, les plus sauvages et les moins accessibles de toutes confinent à la précédente. La première, assez faible, occupe tout le reste du littoral jusqu'aux environs de Bougie ; elle renferme quarante-deux villages et 1,710 fusils ; elle reconnaît l'autorité de Sid Mohammed-ou-Cheikh, appartenant à la tribu des Oulad-Sidi-Ahmed-bou-Youssef.

La seconde est celle des Zouaouas ou Gaouaouas. Montagnards parmi les montagnards, ils garnissent tous les coins de terre productive ou habitable, disséminés dans la cime rocheuse du Jurjura. Quatorze tribus, dont trois ou quatre seulement dépassent 1,000 fusils, en offrent un total de 9,950 et la nature des lieux ajoute infiniment à cette force déjà respectable. Comme ce sont à coup sûr les Kabyles les moins mêlés, leur nom sert 

 

(1) Ce ou veut dire fils.

    

 

   
fort souvent de désignation générique pour tous ceux qui habitent quelque portion du Jurjura.

Le chef de la région des crêtes, issu d'une famille de marabouts du pays, s'appelle Sid-el-Djoudi. Ses propriétés principales sont situées à Ighril ou Gouammas, dans la tribu des Ouadyâa. Il y possède une mosquée renfermant le tombeau de ses ancêtres. Une autre habitation et un âzib (1) lui appartiennent encore à Yteâla, chez les Mechedallas.

Sid-el-Djoudi est un homme de haute taille, bien constitué ; il a les yeux et la barbe noire, les dents belles ; il peut être âgé maintenant de quarante-cinq à cinquante ans. Sa jeunesse fut très-remarquée des Kabyles à cause d'une austérité rare. On venait de fort loin le visiter ; sa renommée touchait au merveilleux ; on lui attribuait la possession d'une mule qui ne mangeait point l'orge des mauvais musulmans. Le temps lui a fait perdre une partie de ce prestige, à mesure qu'il en concevait un orgueil de plus en plus exorbitant.

 

IV.

 
Nous avons parcouru les bassins de l'Adjeb et du Se baou ; il ne nous reste plus qu'à remonter celui de la Summam, le plus considérable des trois.

Cette rivière change très fréquemment de nom, ou plutôt il s'est établi sur ce point une confusion qui nous paraît facile à éclaircir. Le cours d'eau n'a, suivant l'usage, que deux noms génériques : l'un pour sa partie basse, Summam l'autre pour sa région supérieure, Oued-Sahel. De plus, comme désignation locale, on donne tour à tour à chacun de ses tronçons le nom de la tribu dont il arrose le territoire.

 

(1) Azib : sorte de ferme habitée pendant la saison des travaux agricoles.

 
Pages précédentes   Retour page Table des matières   Pages suivantes