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de Zdana, Tâam ou Tâann. La qualification résultant de ces racines ; serait : homme à hautes prétentions, ou qui donne à manger, ou enfin qui frappe de la lance. Peut-être la réunion de ces trois qualités, jointe à la consonance de termes que les Arabes affectionnent beaucoup, fit-elle perpétuer comme nom de famille un sobriquet heureux. Persécutés par la suite, les Ben-Zamoun se réfugièrent dans la Kabylie avec des cavaliers dont les chevaux portaient une sorte de besace, semate. De là leur vint le nom de Hall-Semate. C'est encore au milieu de cette fraction que les propriétés et les intérêts des Ben Zamoun se trouvent à peu près concentrés aujourd'hui ; toutefois, leur influence s'étend beaucoup plus loin : elle domine toutes les branches de l'immense tronc des Flissas. De tout temps ils se sont fait aimer des montagnards, par les secours qu'ils donnaient aux tolbas et aux pauvres, par leur courage, et surtout leur esprit de justice.

Celui de tous les Ben-Zamoun qui acquit le plus d'importance, se nommait El-Hadj-Mohammed-ben-Zamoun. " Il n'agissait qu'après avoir mûrement réfléchi, disent les Kabyles, prenait conseil des gens renommés pour leur sagesse, et ne laissait jamais sortir une parole malveillante de sa bouche. Sa maison était la maison de Dieu, à cause de la magnificence de son hospitalité. L'injure lui était inconnue. Cette conduite lui valut l'amitié des Turcs, qui reconnurent la puissance de sa parole sur les Kabyles, et ne tardèrent pas à l'entourer de considération. Il entrait quand il le voulait chez le dernier pacha d'Alger, honneur dont on était très-avare ; il avait même un cachet reconnu par le gouvernement.

En échange de ces égards, il avait décidé beaucoup de tribus à commercer avec Alger, à maintenir la sûreté des communications. C'est lui qui, lors de la prise d'Alger, amena au pacha Hussein cette armée de guerriers kabyles, dont les Turcs ne surent tirer aucun parti. Plus tard, il reparut à la tête de quelques braves dans les premiers combats de notre armée 

    

 

   
contre les Arabes de la Mitidja. La turbulence et l'indécision de ces derniers finirent par le dégoûter, et il resta dans ses montagnes.
 

V.

 
Au sud et à l'ouest du pays des Ben-Salem, on trouve le Hamza et l'influence des Ben-Mahy-ed-Din. A proprement parler, ces contrées qui débordent le cercle de Sour-Ghozelan (Aumale), n'appartiennent plus à la Grande Kabylie ; mais elles en sont la clé, et l'importance du chef Si Mohammed-ben-Mahy-ed-Din, que nous y avons rencontré, nécessite une digression.

Sid Mohammed-ben-Mahy-ed-Din (1), aujourd'hui notre ancien et fidèle khalifa de l'est, appartient à une famille de chérifs qui, du Mogrob, vint se fixer chez les Beni-Slyman, et y bâtit, dans le quartier des Beni-Outhas, une zaouïa nommée Boutouchatin, dont la réputation ne tarda pas à s'étendre au loin.

Le grand-père de Sid Mohammed-ben-Mahy-ed-Din était un homme pieux, aimant Dieu, jeûnant le jour et priant la nuit ; on le nommait l'ami des pauvres ; Il avait plusieurs filles : l'une d'elles, Aicha, fut épousée par le bey Hassen qui gouvernait alors le Titteri ; ce fut là l'une des causes principales de la fortune et de la grandeur actuelle des Ben-Mahy-ed-Din. Sidi Hamed, père de notre futur khalifa, devint chef de la zaouïa Boutouchatin, et conserva cette dignité jusqu'après la prise d'Alger par les Français. Alors commencèrent les jours d'épreuve pour une contrée qui n'étant pas, comme les autres états kabyles, à peu près indépendante des Turcs, se trouva privée tout-à-coup de gouvernement régulier. Les désordres grandirent, se multiplièrent dans des proportions effrayantes. Sid Hamed traversa ces temps difficiles, en cherchant à faire le bien et en repoussant l'anarchie. Il mourut après avoir réuni tous les 

 

(1) Mahy-ed-Din : conservateur de la religion.

 
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