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grands du pays et leur avoir fait les recommandations suivantes :

" O mes frères, restez unis, et soutenez-vous réciproquement ; car vous vivez dans une époque orageuse qui nous a été envoyée par Dieu, pour nous punir de nos péchés et de ceux de nos pères. Mon fils me remplacera et vous dirigera vers le bien ; écoutez donc ses avis.

" Et vous, mon fils, mettez le plus vénéré des marabouts à la tête de notre zaouïa ; occupez-vous ensuite, sans relâche, du bien de tous ; traitez les tolbas comme vos frères, les Arabes comme vos enfants, et Dieu vous bénira.

" Souvenez-vous surtout que la terre et ses richesses n'ont pas même, aux yeux de Dieu, la valeur de l'aile d'un moucheron.

Si Mohammed suivit les conseils de son père. En voyant ses compatriotes, les rênes sur le cou, se livrer à tous les excès, il cherchait un principe d'autorité supérieure qui le mît en état de les réduire ; lui-même se sentait capable, en sous-ordre, de maintenir la tranquillité publique, la confiance et la paix. D'abord il jeta les yeux sur Sid El-Hadj-Seghrir, de la grande famille des Oulad-Sidi-Embareck, de Koleah ; mais il ne tarda pas à s'apercevoir que cet homme n'était nullement de taille à réunir toutes les volontés, à briser toutes les résistances, à créer enfin un gouvernement capable de détruire l'anarchie ; il patienta encore, tout en maintenant intacte l'influence de sa famille, et, cela, par une politique très-habile.

Enfin, Si Mohammed entendit prononcer le nom du jeune Abd-el-Kader. On vantait l'ordre qu'il avait établi du côté de Mascara ; on parlait avec enthousiasme de ses vertus, de son courage et de plusieurs combats qu'il avait livrés aux chrétiens d'Oran. Si Mohammed crut aussitôt avoir trouvé l'homme qu'il cherchait depuis longtemps, et, toujours dominé par le désir de substituer 

    

 

   
l'ordre légal au trouble des mauvaises passions, au despotisme de la force brutale, il ne recula point devant un voyage difficile, dans l'état du pays, pour se rallier à celui vers lequel semblaient converger, désormais, toutes les sympathies et tous les vœux des Musulmans.

Cette détermination assez frappante en elle-même devint, par l'importance de ses résultats, une sorte d'acte providentiel, un de ces faits qu'on peut citer pour établir à quel point les volontés humaines les plus perspicaces sont d'aveugles instruments aux mains d'une providence insondable. Celui qui devait être par la suite un mortel ennemi d'Abd-el-Kader et l'agent le plus actif de la domination française dans la Kabylie, celui-là même se mettait en route au-devant d'Abd-el Kader, il allait lui ouvrir les portes de la Kabylie ; il ajoutait une complication nouvelle au nœud inextricable que devait trancher notre épée.

Quoiqu'amené d'une manière épisodique, ce dernier personnage étant de ceux qui dominent la scène, nous lui consacrerons de suite quelques pages, ne fût-ce que pour compléter la galerie des figures indigènes que les événements ultérieurs doivent mettre en saillie.

 

VI.

 
Abd-el-Kader (1) ben-Mahy-ed-Din-Ould-Sidi-Kada-ben-Moktar, c'est-à-dire fils de Mahy-ed-Din et descendant de Sidi Kada-ben-Moktar, est né de Lella-Zohra-bent-Sidi-Omar-ben-Douba, troisième femme du marabout Sidi Mahy-ed-Din, très-vénéré chez les Hachems. Il n'a qu'une sœur utérine ; mais sa famille provenant des trois autres lits est fort considérable, et plus encore, celle de Sidi Aly-bou-Thaleb, son oncle. Dans l'une il a souvent trouvé d'amers chagrins, dans l'autre des ennemis inquiétants, à commencer par Sidi Ali-bou-Thaleb, dont il a
 

(1) Abd-el-Kader : serviteur du puissant.

 
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