Pages précédentes LA GRANDE KABYLIE   CHAPITRE QUATRIÈME Pages suivantes
  Retour page Table des matières
   
  
cependant épousé une des filles, nommée Khrera. La naissance d'Abd-el-Kader doit être placée vers 1802.

Ce fut pendant un voyage à la Mecque, ou plutôt au retour, que le marabout Mahy-ed-Din commença de préparer les destinées de son fils, en faisant déjà circuler quelques récits de visions où était annoncée sa future grandeur. Ces bruits, joints à la manière dont le jeune homme prédestiné se distinguait dans ses études, à Oran, éveillèrent l'attention du gouvernement turc, très-ombrageux de sa nature, et encore moins scrupuleux sur l'emploi des mesures préventives.

Mahy-ed-Din averti s'enfuyait vers la Mecque avec son fils quand i!s furent arrêtés au bord de la Mina, par les ordres de bey d'Oran. Les plus grands chefs arabes intervinrent en leur faveur, excepté toutefois El-Mezary, qui déjà semblait pressentir sa haine future contre les Mahy-ed-Din. Grâce à leur puissant patronage, ceux-ci obtinrent la faveur d'être oubliés pendant qu'ils iraient faire le pèlerinage de la Mecque.

La petite caravane, où plusieurs parents et amis se joignirent aux deux personnages principaux, arriva par terre à Tunis et s'y embarqua pour Alexandrie. Le jeune Abd-el-Kader puisa, dans ce qu'il vit en Égypte, les premières notions d'un gouvernement rationnel : elles se gravèrent fortement dans son esprit. Arrivé à la Mecque, il visita la chambre de Dieu (Bit-Allah). L'excursion fut prolongée jusqu'à Bagdad, en vue d'une visite à la tombe du plus grand marabout de l'Islam, Sidi Abd-el-Kader-el-Djelali.

Les pèlerins y arrivèrent accablés de fatigue, de chaleur ; ils allaient en franchir le seuil, quand tout à-coup un nègre sortit lui-même du tombeau et leur offrit des dattes, du lait et du miel ; mais ils n'eurent pas plus tôt mangé une seule datte que leur faim se trouva rassasiée.
 

    

 

   
Le lendemain, pendant qu'Abd-el-Kader était allé faire paître les chevaux, le même nègre se présenta de nouveau à Mahy-ed-Din et lui demanda d'une voix sévère où était le sultan. " Seigneur, il n'y a pas de sultan parmi nous, répondit Mahy-ed-Din ; nous sommes de pauvres gens craignant Dieu et venant de la Mecque.

"- Le sultan, répartit son interlocuteur avec autorité, est celui que vous avez envoyé conduire vos chevaux dans la plaine, comme si ces fonctions convenaient à l'homme qui doit un jour commander tout le Gharb. "

Et comme le marabout lui représentait que ces imprudentes paroles attireraient sur eux l'attention dangereuse des Turcs, l'inconnu compléta sa prédiction en ajoutant : " Le règne des Turcs touche à sa fin ! " Telle est la célèbre légende, devenue populaire et diversement racontée, qui contribua tant par la suite à la grandeur d'Abd-el-Kader.

Quoi qu'il en soit, à leur rentrée en Algérie, vers la fin de 1828, Mahy-ed-Din et son fils, comprenant bien que l'époque n'était pas encore venue, cherchaient à se faire ignorer du pouvoir, en s'abstenant de toute participation aux affaires politiques ; mais se conciliant de plus en plus la vénération du peuple par des aumônes, des bienfaits de tout genre une conduite exemplaire, une piété très-apparente. On les voyait souvent, sans suite et simplement vêtus, visiter le tombeau de Sidi Bou-Medine, à Tlemcen. De cette époque date dans la famille une affectation de simplicité qui ne s'est jamais démentie, même au sein de la plus brillante fortune.

Cependant les Français venaient de s'emparer d'Alger, puis le bey d'Oran s'était remis à leur discrétion. Toutes les tribus algériennes passaient subitement d'un joug de fer à une liberté effrénée. Nous avons dit qu'il en résulta de grands désordres à 

 
Pages précédentes   Retour page Table des matières   Pages suivantes