" - Eh bien ! négligez ces
propos populaires, puisque rien ne peut s'opposer à la
volonté divine. Voyez Alger ! Le marabout Sidi-Abd-el-Kader
n'a-t-il pas dit : lorsque ma ville aura de la boue jusqu'à
mi jambes, les autres villes en auront par dessus la tête, et
pourtant le contraire est arrivé : la ville que protégeait
Sidi-Abd-el-Kader est aujourd'hui enfouie dans la vase, et les
autres en ont été préservées. Prenez donc vos
précautions. Nous ne devons avoir aucune confiance dans le
chrétien ; il est perfide, ses filets ne sont tendus que pour
nous prendre, et la paix ne peut durer !
" - Que Dieu nous préserve de lui ! reprit Abd-er-Rahman,
et cela par l'intercession de vos ancêtres.
" - Tenez-vous sur le qui-vive, ajouta l'émir ;
envoyez tous vos bagages à la montagne, et ne laissez ici que
votre famille et votre cheval. " A quelques jours de là,
ces instructions étaient suivies.
Le lendemain Abd-el-Kader alla visiter le marabout de
Bou-Berrak, dans le pays des Ouled-Si-Omar-el Chérif ; il y
déjeuna, et alla passer la nuit à Haouch-el-Nahal, chez les
Issers. Les chefs de cette tribu vinrent l'y trouver ; il les
engagea à transporter tous leurs effets sur les points
culminants, et surtout à ne pas laisser leurs grains dans la
plaine, mais à les enfouir dans les silos sauvages. Il donna
les mêmes conseils à toutes les tribus qui campaient dans
les vallées.
" Ne croyez pas, leur disait-il, à la continuation de
la paix ; bientôt elle sera rompue. "
De Haouch-el-Nahal, l'émir se rendit au marabout
Bou-Mendass, auprès d'El-Djebil. C'était un pic élevé
d'où il pouvait découvrir Alger. Il se fit donner sa longue
vue, et sonda la ville avec soin, s'informant de tous les
points, et recueillant des observations minutieuses sur le
pays qui s'offrait à ses yeux.
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