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partie de la circonscription des Krachenas, et nous paierons notre part de l'impôt qu'il vous plaira de frapper sur tout leur territoire. "

"- Non, non, reprit l'émir ; chez qui se trahissaient ainsi des projets d'oppression préméditée ; dites-moi le nombre de vos villages, désignez-moi ceux occupés par les Courouglis seulement. "

Hamimed dut obéir à cette injonction, et bientôt Abd-el-Kader, après l'avoir quitté pour passer dans une partie reculée de sa tente, revint avec un ordre d'imposer chaque village à 1,000 boudjous. Cent cinquante cavaliers furent chargés de prélever cette somme ; mais on en porta le nombre à trois cents, sur l'observation faite par les grands du pays que les Zouathnas étaient braves et nombreux.

Cependant, le déploiement de ces forces réveilla les craintes des Zouathnas, qui recommencèrent à fuir ; leurs chefs les ramenèrent de nouveau, et les cavaliers de l'émir furent enfin répartis dans chaque village en raison de son importance.

Ces cavaliers ne tardèrent pas à molester les Zouathnas, soit en exigeant une excellente nourriture, soit en gaspillant leurs provisions, soit en insultant leurs femmes et leurs filles. Alors les Zouathnas reprirent encore une fois leurs projets de fuite.

Leurs chefs, embarrassés de cette circonstance, et prévoyant l'impossibilité où ils allaient se trouver de réunir l'impôt, engagèrent les cavaliers à rentrer au camp, promettant de porter eux-mêmes à l'émir le produit de la contribution ; et d'y ajouter en outre, de leurs propres deniers, une somme pour les collecteurs. Confiants dans ces promesses, les cavaliers rejoignirent l'armée et rendirent compte à Abd-el-Kader de ce 

    

 

   
qui venait de se passer. Ce dernier fit aussitôt appeler El-Hadj-Ali-0uli-sidi-Sâadi , Ben-Salem et El-Hadj-Ali ben-Salahh, caïd des Krachnas. " Voici, leur dit-il, la lettre d'aman (1) que je vous charge de porter aux Zouathnas ; montrez-leur aussi mon chapelet, réunissez les fuyards et faites au plus tôt rentrer l'amende que j'ai frappée sur eux.

La lettre et le chapelet furent promenés dans tous les villages ; les Zouathnas rassurés regagnèrent leurs demeures, et les trois cents cavaliers furent rappelé pour continuer leur opération.

Quelque temps après, la moitié de la somme exigée par l'émir était prélevée ; plusieurs factions vinrent la lui offrir. Abd-el-Kader leur dit : " Ne soyez pas étonnés de l'imposition que j'ai frappée sur vous ; le Tell, le désert, tout le monde a reconnu mes lois et a payé comme vous le faites.

"- Nous le pensons, répondirent les Zouathnas, et nous nous soumettons ; vous êtes le couteau, nous la chair ; taillez donc comme il vous plaira.

"- S'il en est ainsi, ajouta le nouveau sultan, apportez au plus vite ce qui vous reste à me donner. 

"- Demain vous serez satisfait, reprirent-ils ; mais nous n'avons plus d'argent ; permettez-nous de de nous libérer avec des bœufs, des moutons et des bêtes de somme.

"- C'est bien, reprit Abd-el-Kader ; j'accepterai tout ce que vous m'amènerez. " Il se leva ensuite pour faire sa prière, et les chefs des Zouathnas le quittèrent afin de terminer leur recouvrement au plus tôt.

 

(1) Aman : pardon , grâce, sauf-conduit.

 
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