Pages précédentes LA GRANDE KABYLIE   CHAPITRE CINQUIÈME Pages suivantes
  Retour page Table des matières
   
  
A peine étaient-ils partis que l'émir, se ravisant, voulut les rappeler et les faire arrêter ; mais il n'était plus temps : ils avaient déjà rejoint leurs frères, les engageant à préparer leurs bestiaux pour satisfaire enfin l'avidité d'Abd-el-Kader.

La dernière pensée de I'émir fut connue des Zouathnas, et leur donna beaucoup à réfléchir. Ils se consultèrent, ils tombèrent tous d'accord sur ce point, que la veille ils avaient été mal reçus, et qu'on tramait contre eux quelque machination infernale. Ils se tinrent prêts à tout évènement. " Montez, dirent-ils à leurs jeunes gens, sur la crête de la montagne ; observez le camp de Beni-Hini et venez nous dire dans quel état il se trouve, si vous y voyez du mouvement ; nul doute que l'émir ne se dispose à faire une razzia sur nous. "

A peine les jeunes gens furent-ils arrivés sur les points culminants, qu'ils reconnurent dans le camp tous les indices d'une grande détermination ; car les tambours battaient et les cavaliers étaient en selle. Ils poussèrent aussitôt de hauts cris pour annoncer à leurs frères les dispositions de l'ennemi.

El-Hadj-Aly-ben-Sidi-Sâady et El-Hadj-Aly-ben-Salahh, voyant le combat résolu, se rendirent en toute hâte à la zaouïa de Sidi-Bouzid-ben-Derbala, pour protéger ce lieu saint centre la fureur des troupes.

Lorsque l'armée vint à hauteur de la zaouïa, l'infanterie et la cavalerie furent partagées en trois corps.

Le 1er se porta sur El-Argoub et pilla les habitants de ce village qui, pleins de confiance dans l'aman, ne se trouvaient en mesure de faire aucune résistance ; le 2e se dirigea sur Tamarkaunit dont les habitants étaient en fuite, et le 3e marcha sur les Oulad-Zïan. Les assaillants eurent bientôt dépassé les Oulad-Zïan, et ils ne 

    

 

   
tardèrent pas à se trouver en face de toute la tribu des Zouathnas qui avait pris position sur l'Ouad-Tamda.

" Justice! Justice ! Justice ! se mit à crier le peuple, à trois reprises différentes ; nous étions occuper à réunir ce que le sultan exigeait de nous ; vous nous avez trahis. "

Les soldats de l'émir répondirent : " Que parlez-vous de justice, vous qui vous êtes déclarés les serviteurs des chrétiens ; le sultan n'est pas venu ici pour prendre vos biens, mais vos têtes ! "

Aussitôt le feu commença. Les Zouathnas firent bonne contenance ; ils défendirent le terrain pied à pied, profitant de toutes les aspérités de la montagne, jusqu'à Djebel-bou-Zequeza, où ils furent forcés de céder au nombre et d'abandonner leurs femmes, leurs enfants, leurs troupeaux, ainsi que toutes leurs richesses qu'ils avaient accumulées en ce point. La poursuite dura depuis le matin jusqu'à quatre heures du soir : cinquante-deux Zouathnas, dix femmes et deux enfants périrent dans cette attaque. L'émir, de son côté, y déplora la perte de deux aghas, de soixante soldats réguliers et d'un assez grand nombre d'Arabes qui furent tués en pillant ; mais la plus grande partie des hommes, des femmes et des enfants de la rude tribu des Zouathnas était en son pouvoir. Le caïd El-Beyram se trouvait au nombre des prisonniers. Il avait reçu dans le combat une grave blessure au genou.

Après qu'on eût présenté à l'émir toutes les richesses enlevées aux Zouathnas, leurs hommes, leurs femmes, leurs enfants complètement nus, Abd-el-Kader se fit amener El-Beyram. On le lui présenta sous le titre ironique de caïd des chrétiens.

" Ennemi de Dieu, lui dit l'émir, comment as-tu pu marcher sur ta religion au point d'accepter l'investiture de l'infidèle? "

 
Pages précédentes   Retour page Table des matières   Pages suivantes