Après avoir frappé ce coup
retentissant aux portes de la vallée du Sebaou, Abd-el-Kader
en attendit l'effet ; il demeura tranquille, près de
Bouzequeza, sous prétexte de rétablir le bon ordre dans la
contrée. Au fond, il redoutait d'en venir à une rupture
ouverte avec ces grandes tribus, réellement kabyles, qui
auraient pu se confédérer contre lui, telles que les
Ameraouas, les Flissas, etc.
Il espérait que la peur inspirée par le châtiment des
Zaouathnas, et l'inquiétude résultant de sa présence
prolongée lui amèneraient d'abord une ou plusieurs fractions
irrésolues, et qu'alors d'habiles ménagements pourraient les
lui soumettre, puis en attirer d'autres de proche en proche.
Tout se passa comme il l'avait prévu. Les Ameraouas
vinrent d'eux-mêmes à son camp, lui conduisant, en signe
d'obéissance, cent-cinquante mulets chargés de figues, de
raisins secs, d'huile et de cire, pour les besoins de son
armée. Alors, Abd-el-Kader profita de l'occasion pour leur
adresser des reproches sur le peu d'assistance qu'ils avaient
prêté à son khalifa.
Les Ameraouas, sans chercher d'autre excuse, lui re
pondirent qu'El-Hadj-Ali-ould-si-Sâadi était un homme nul,
dont la charge de khalifa dépassait également et les moyens
et la naissance.
" Puisqu'il en est ainsi, reprit Abd-el-Kader,
choisissez donc vous-mêmes l'homme digne de vous commander.
Je lui confierai le pouvoir, vous lui obéirez comme à
moi-même. "
Cette offre honorable fait voir quelle importance il
attachait à l'adhésion sincère des Ameraouas ; c'est qu'en
effet leur position topographique le conduisait, au moins par
des relations commerciales, dans le cœur de la Kabylie.
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