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l'investiture comme agha des Flissas, des Mâtekas, Beni-Khalfoun, Nezlyouas, Guech toulas, Oulad-el-Aziz, etc.

En réalité, toutes ces tribus belliqueuses se levaient à sa voix, et sa soumission introduisait l'émir dans la haute région des montagnes. Aussi, ce dernier comprit de quels ménagements il devait entourer un pareil serviteur, et Ben-Salem reçut l'instruction de ne jamais rien tenter en Kabylie sans l'avoir consulté. Ces adhésions n'ajoutaient pas beaucoup, dans le présent, aux forces de l'émir ; car il était bien évident qu'en fait de guerriers et d'impôts, il faudrait demander à de telles tribus seulement ce qu'elles voudraient bien fournir; mais sa puissance en recevait, aux yeux des Arabes, un éclat extraordinaire. Il s'en remettait d'ailleurs à la politique et au temps, du soin de fortifier et de faire grandir son autorité naissante.

Enfin, le gouvernement de Ben-Salem fut complété par un remaniement : Abd-el-Kader détacha l'aghalik des Beni-Slyman du beylik de Médéah, et l'adjoignit au Sebaou. Plusieurs raisons justifiaient cette mesure d'abord elle s'accordait mieux avec l'esprit des populations ; en outre, elle arrondissait le commandement de Ben-Salem ; elle lui apportait même, eu égard à la soumission plus positive de cette contrée, un appui tout-à-fait indispensable, dans le cas où ses ordres se raient méconnus ailleurs : mais le principal motif était celui des convenances personnelles. On se souvient de l'animosité survenue entre le bey de Médéah et l'agha des Beni-Slyman, Ben Mahy-ed-Din ; il paraissait indubitable que ce dernier rendrait de meilleurs services, sous les ordres d'un nouveau chef dont il n'avait encore reçu aucun sujet de plainte.

Ces dispositions prises, et après avoir prescrit l'établissement d'un poste à Bordj-Sebaou, pour surveiller les chrétiens, Abd-el-Kader recommanda encore une fois aux différents aghas, d'accorder aide et obéissance à son khalifa Ben-Salem ; puis il 

    

 

   
retourna dans l'ouest.

Les résultats qu'il avait su tirer de ce premier voyage en Kabylie, dépassaient toute prévision.

 

IV.

 
L'homme-d'état n'a pas plus tôt achevé de bâtir quelque laborieux édifice fondé sur un examen attentif de toutes les passions, de tous les intérêts en jeu, que soudain, l'une ou l'autre de ces passions, de ces intérêts ménagés, changeant, non pas de nature mais d'objet, entraîne avec lui le savant équilibre. Ainsi, les deux bases fondamentales du pouvoir de Ben-Salem, étaient en apparence les Beni-Slyman et les Ameraouas : ce furent elles qui lui manquèrent tout d'abord.

L'agha Ben Mahy-ed-Din n'avait pu supporter la domination d'un Berkani ; son transfert sous les ordres de Ben-Salem ne fit que l'irriter davantage ; il se croyait, par ses talents comme par sa naissance, plus de droit que le nouveau khalifa au commandement des populations de l'est. Telle fut la cause d'une jalousie sourde, qui dégénéra bientôt en rivalité manifeste, et produisit des froissements sans nombre. Non seule ment toutes les ressources que Ben-Salem était en droit d'attendre de ce côté, se trouvèrent dès lors paralysées ; mais, à la longue, tant de fiel s'accumula dans l'âme de Ben Mahy-ed-Din, que notre première apparition sérieuse devait le trouver prêt à recevoir, même du chrétien, ce titre de khalifa convoité si longtemps et le seul qui fût à sa taille en effet.

Quant aux Ameraouas, Ben-Salem se les aliéna lui même par une préférence aveugle envers les Beni Djâd et les Nettemens, ses parents ou compatriotes, auxquels il s'empressait de conférer tous les emplois et tous les bénéfices. Aussi, après l'avoir aidé dans la réédification du Bordj de Sebaou, les Ameraouas 

 
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