tout entière, puis remet au
sultan l'impôt fixé par lui, en bénéficiant du surplus.
Bien souvent, ce surplus dépasse la taxe elle-même ; si le
souverain l'apprend, s'il s'en indigne et s'il a les moyens
d'y mettre ordre, les spoliateurs en sont quittes pour rendre
gorge, dans le trésor royal, bien entendu. Voilà les anciens
errements du fisc oriental.
Quoi qu'il en soit, la tribu des Ameraouas se montra peu
sensible à la tardive bienveillance du khalifa. Tout en
poussant sa perception qui produisit 45,000 francs, elle
engageait en dessous main les Beni-Ouaguenoun et d'autres à
tenter une attaque sur Bordj-Sebaou, si bien que Ben-Salem, ne
s'y croyant plus en sûreté, se retira sur Bordj-el-Arib,
au-dessus des Beni-Djâd, sous prétexte de mettre ce fort en
bon état.
Cependant le malheureux chef comprenait la nécessité de
faire quelqu'acte de pouvoir, s'il ne voulait être bientôt
réduit au triste rôle de son prédécesseur. A la tête
d'une centaine de cavaliers des Nettenems et des Beni-Djâd,
il se rendit à l'Arbâ des Beni-Khalfoun, et somma la tribu
de lui fournir un approvisionnement de foin. On ne voulut
même pas lire ses lettres. Les Nezlyouas, chez lesquels il
alla faire la même demande, le chassèrent de leur pays. Trop
faible pour en tirer vengeance, il dut dévorer ces affronts,
ainsi que la risée publique prompte à les suivre ; car sa
troupe fut sur nommée l'armée au foin. Ben-Salem,
homme de grand cœur, souffrit beaucoup de ces insultes. En
désespoir de cause, il écrivit à son maître qu'il lui
fallait un corps régulier pour obtenir l'obéissance.
Abd-el-Kader n'en douta point ; et comme chez lui
l'exécution suivait toujours immédiatement la pensée, il
expédia de suite, en Kabylie, un agha et six siafs
(officiers). L'agha se nommait Abizîd, très-distingué par
sa bravoure; il apportait au khalifa cent vingt deux tentes,
six cents habillements complets, et l'ordre d'enrôler
sur-le-champ des soldats.
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