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C'en était fait des hautes
espérances de l'émir sur l'infanterie kabyle. Maintenant, il
l'appréciait à sa juste valeur ; et depuis il se contenta,
soit de la convoquer à la défense de son propre territoire,
soit de la jeter sur les flancs, sur les derrières de nos
colonnes, quand elles traversaient des pays de buissons et de
montagnes, où le Kabyle pût trouver des branches pour
appuyer son long fusil et des anfractuosités pour le
recharger à l'abri. |
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III |
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(1840) - Ben-Salem fut la
première victime du désappointement de l'émir ; celui-ci,
renonçant à baser sur lui aucune entreprise sérieuse, lui
avait enlevé toute son infanterie régulière pour s'en
servir dans les beyliks de Médéah et de Milianah ; il
s'était même efforcé, mais en vain, d'entraîner les Aribs
et les Beni-Djâd. Les seules ressources qui restassent au
khalife du Sebaou, pour inquiéter les chrétiens de son
côté, comme l'émir le lui recommandait sans cesse, se
rduisaient à quelques cavaliers fidèles et aux guerriers des
tribus qu'il parviendrait à attirer.
On a vu que le mobile de la guerre sainte avait pu en
soulever beaucoup, mais non pas les retenir longtemps, ni les
engager loin. L'appât de la déprédation s'exerça sur un
moindre nombre, et produisit en somme plus de résultats. A
force de répéter que toutes les troupes chrétiennes
étaient occupées devant l'émir, que la plaine et le Sahel
étaient gardés que par des postes trop faibles pour sortir ;
à force de répandre des lettres d'Abd-el-Kader, où ses
premiers engagements avec l'armée française étaient
qualifiés de victoires, et de sommer, en son nom, les chefs
kabyles, de faire une diversion décisive, Ben-Salem parvint
à réunir un corps considérable et à l'amener en présence
de la Maison-Carrée.
Alors son camp vomit dans le Sahel des bandes de brigands
aussi rusés qu'audacieux. Le jour, ils se cachaient dans les
broussailles, dans les masures des jardins maures
abandonnées, et de ces
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retraites, fondaient sur les
voyageurs, sur les bestiaux, sur les convois trop faibles ; ou
la nuit, attaquaient en règle des fermes habitées,
incendiant, égorgeant tout. Quant aux véritables guerriers,
ils engageaient de loin en loin des escarmouches assez
insignifiantes avec la garnison de la Maison-Carrée. Un jour
où Ben-Salem s'était porté avec sa cavalerie régulière à
l'embouchure de l'Harrach, quelques boulets lui furent
envoyés, et l'un d'eux emporta El-Hassaïn-ben-Zamoun, fils
du célèbre chef des Flissas. Lui-même laissait aussi un
jeune fils, qui ne tardera point à figurer dans nos récits.
Nous n'insistons pas davantage sur cette invasion peu
glorieuse du khalifa de l'est. Abd-el-Kader en fit justice,
lorsqu'ayant reçu quatre jeunes chrétiennes que les
cavaliers de Ben-Salem lui amenaient comme une brillante
capture, il dit froidement : " Il y a des lions qui font
leur proie d'animaux faibles ; il en est d'autres qui
s'attaquent à des animaux redoutables. "
(1841) - Les Kabyles étaient rentrés chez eux, quand on
apprit à leur khalifa que le Fondouck venait d'être
évacué. Il ne put croire cette nouvelle et dépêcha un
homme pour s'en assurer. L'homme revint lui dire : " Le
Fondouck est vide! "
Ben-Salem en fut pénétré de joie. Comme la guerre sainte
occupait toutes ses pensées, il crut trouver dans cet
évènement de quoi stimuler le zèle de ses tribus, et leur
lança des circulaires qui se terminaient ainsi :
" Vous voyez que les chrétiens sont à bout. Ruinés en
hommes et en argent, ils commencent à abandonner le terrain.
Encore un vigoureux effort de notre part, et la victoire du
Koran est assurée. "
Le fait intéressait trop les Kabyles pour qu'ils ne
vinssent pas, en grand nombre, le vérifier sur les lieux ;
mais ils furent bien loin d'en tirer les mêmes conséquences
que leur chef :
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