inquiétude. Ils eurent la
pensée de se réunir et de délibérer, avec quelques chefs
importants, sur les mesures à adopter dans ces temps
difficiles, Ben-Salem avait amené Ben Mahy-ed-Din avec lui ;
mais cette conférence, empreinte d'un profond découragement,
ne produisit aucun résultat positif. Quand l'heure de la
séparation fut arrivée, Berkani dit à ses collègues :
" Que Dieu nous réunisse dans l'autre monde ; car je
conserve peu d'espérance de nous revoir jamais dans celui-ci
!
" - Et moi, reprit Ben-Salem, j'espère que nous nous
reverrons tous les trois à Alger. "
Ben-Allal ajouta d'un ton mélancolique : " Oui, si
nous nous soumettons aux chrétiens, ce dont Dieu nous
préserve ! " Et ils se quittèrent ainsi.
La position de Ben-Salem était la plus supportable des
trois ; car les vainqueurs n'avaient point encore posé le
pied dans son gouvernement ; mais lui-même n'y commandait
plus guère que pour la forme. Une récente razzia sur les
Beni-Slyem, qui lui refusaient absolument l'impôt, aurait
relevé peut-être son crédit, sans l'abandon complet où
semblait le laisser l'émir.
Ce dernier, durant les premières phases de la guerre,
avait donné de ses nouvelles assez régulièrement ; puis,
elles étaient devenues rares, pleines de mensonges et de
réticences ; ensuite, elles avaient commencé de trahir la
plus grande détresse. On en jugera par l'objet d'une seule :
l'émir demandait à Ben-Salem un blanc-seing de son cachet,
parce que, disait il, les chrétiens s'étaient mis dans
l'esprit d'acheter ses trois khalifas de l'est, moyennant
1,500,000 francs, et qu'il espérait tirer d'eux cette somme
importante. Ben-Salem avait obéi, en exprimant ses doutes sur
le succès de la supercherie.
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