étaient interceptées par des
tribus nouvellement ralliées aux Français.
D'un autre côté, ces exemples nombreux de soumission
commencèrent à produire leur effet sur la frontière de la
Kabylie, chez des tribus trop faibles et occupant un pays trop
ouvert pour maintenir leur indépendance. De plus, un
intérêt matériel était en jeu : celui d'écouler des
produits sur les marchés d'Alger. Ben-Salem avait réussi
fort longtemps à en détourner ses administrés, d'abord par
la persuasion, puis ensuite par la terreur. Dernièrement il
avait fait décapiter six Arabes pour avoir vendu quelques bœufs
aux chrétiens. Or, toutes les tribus qui, de temps
immémorial, approvisionnaient Alger, commençaient à sentir
le besoin d'y verser leurs denrées accumulées depuis trois
ans. Dans cet état de cause, les Beni-Moussa, les Issers, les
Krachnas vinrent demander l'aman aux Français, et parurent
immédiatement sur leurs marchés : ils étaient rassurés
contre la vengeance du khalifa, par la connivence des Flissas,
Ameraouas et Beni-Slyman, qui les avaient engagés
secrètement à prendre ce parti.
Cette défection acheva de prouver à Ben-Salem que
l'existence de l'émir était pour lui une question de vie ou
de mort ; il envoya donc à sa recherche un agent dévoué,
qui ne le rencontra qu'après un mois de courses. Cet agent
portait une lettre renfermant les plaintes suivantes :
" Comment se fait-il que vous ne pensiez plus à nous,
que vous ne nous écriviez plus, que vous ne nous appreniez
point votre état ? La vue de votre cachet, comme vous le
savez, ranime cependant les fidèles. Je désirerais que,
conformément à votre promesse, vous vous rendissiez ici,
seul et sans suite, ne fût-ce que pour y rester quelques
instants ; car, actuellement, l'on doute même de votre
existence et l'on publie que c'est votre mère qui fait
écrire en votre nom. Votre arrivée me sera d'autant plus
utile, que les Français s'apprêtent à marcher sur moi, et
qu'il m'est
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