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une longue homélie, où son attitude nouvelle de résignation et les motifs sacrés de sa longue résistance, sont exposés peut-être avec quelque désordre, mais non sans éloquence, non sans autorité. Elle fourmille de traits contre Ben Mahy-ed-Din, quoique nulle part il n'y soit nommé. Nous allons reproduire en entier cette remarquable circulaire, comme un modèle du genre :

Que Dieu vous assiste et vous conserve !
Que le salut et la miséricorde de Dieu soient sur vous !
Frères, j'ai entendu dire que vous aviez trouvé mauvais que ma cavalerie soit venue dans vos environs. Je jure par le divorce avec mes bœufs de labour que mon intention n'était ni de vous nuire, ni de m'emparer de vos biens, ni de causer le moindre dommage au dernier d'entre vous. Mes cavaliers furent apostrophés en ces termes : " Pourquoi venez-vous chez nous qui sommes faibles et sans moyens de résistance ? Quand les Français l'auront appris, ils consommeront nos fourrages et nous dépouilleront tous. "
Lorsque j'eus connaissance de ces propos, je m'écriai : " Dieu a abandonné notre pays, puisque les musulmans n'y sont plus susceptibles d'aucun amour-propre, et que les véritables croyants, ceux qui ne peuvent supporter le mépris, ont disparu. "

Avant cet événement, je me suis résigné à supporter avec patience le mal et le bien, en attendant que des jours meilleurs viennent à luire pour notre seigneur et maître El-Hadj-Abd-el Kader. En effet, Dieu a dit : " Lorsque l'époque du dernier jour approchera, le commandement sera réparti entre plusieurs. "
Tout ce que j'ai à vous dire aujourd'hui , ô mes frères, consiste à vous engager à tranquilliser vos esprits, comme à ne concevoir aucune crainte de mon côté ; car je jure par le Dieu tout-puissant que non seulement je ne vous attaquerai jamais, mais encore que je n'ai jamais eu la pensée de le faire. Mes cavaliers se borneront à dépouiller les gens qui vont chez les impies, soit pour y commercer ; soit pour nous trahir. Ceux qui échapperont auront passé à mon insu.

    

 

   

Rendez-donc le repos à votre esprit et occupez-vous de ce qui doit vous préserver de la colère divine, car les peines que le maître du monde inflige sont terribles et nul coupable ne peut s'y soustraire. Fasse le Ciel que vous soyez préservés des souffrances de ce monde et de l'autre ! Tel est le vœu que je forme pour vous. J'en prends Dieu à témoin, je ne voudrais pas vous voir victimes de la moindre infortune, et croyez que c'est toujours avec chagrin que j'accueille les nouvelles qui vous sont défavorables.

Si vous pensez que je n'agis pas en homme de bien, et que votre intention soit que je laisse l'impie faire chez vous ce que bon lui semble, vous n'avez qu'à me le dire. J'ai à ma disposition des tentes, des pavillons tout prêts à être tendus, et ma patrie c'est le pays qu'habitent les musulmans. Est, ouest, sud, nord, de quelque côté que je me tourne, je suis sûr de trouver des croyants pour me recevoir, car Dieu protégera sa religion en dépit des infidèles. Les actions des hommes de bien auront toujours leur récompense.

Mais après mon départ vous verrez ce que feront nos ennemis. De tout temps, ils ont passé pour vindicatifs, trompeurs et perfides. Comment pourriez-vous donc avoir confiance en eux, et comment pourraient-ils vous apporter du bien ?

Faites-y bien attention , ô mes frères ! les chrétiens veulent d'abord vous caresser pour vous faire mieux avaler ensuite leur poison. C'est à cause des vices que je viens de vous signaler que Dieu nous a commandé de les fuir. Voyez actuellement ce qui vous sera profitable, et surtout ne vous abusez pas sur la vengeance de Dieu. Il n'y a que les impies qui ont l'air de la mépriser.

J'ai appris aussi que l'infidèle cherchait à avoir ma vie au prix de l'or. Voyez un peu si moyennant 300,000 fr. je pourrais trouver 

 
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