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Si le monde avait seulement aux yeux de Dieu la valeur d'une aile d'insecte, l'infidèle n'aurait pu y puiser une gorgée d'eau. Croyez-le bien, le monde, c'est la prison du croyant et le paradis de l'impie. Nos ancêtres n'ont conquis du monde que ce qui convient au passage d'un simple voyageur. Mais vous, vous vous y êtes endormis, et vos cœurs se sont d'autant plus rouillés que vous possédez davantage ; car Dieu a dit : " Lorsque l'homme commet une faute, soudain une goutte s'épanche sur son cœur et commence à y faire tache ; et s'il en commet d'autres, de nouvelles gouttes s'épanchent jusqu'à ce que son cœur devienne tout-à-fait noir. " Qu'il nous préserve d'une pareille chose !

Vous avez cherché à ternir ma réputation en publiant que je vous avais abandonnés. Sachez, ô mes frères, que je ne me suis éloigné de vous que par force et d'après la loi. D'abord, je n'étais pas en état de faire face à l'infidèle ; ensuite les croyants ne me suivaient plus ; enfin un arrangement entre moi et l'impie ne pouvait être ni régulier, ni valable, puisque celui que nous nous sommes donné pour chef est encore plein de santé, victorieux, et que lui seul a le pouvoir légal de conclure des traités.

Quant aux sommes que je vous ai prises, je les ai dépensées suivant les règles reçues, et elles ont été tellement insuffisantes que j'y ai souvent ajouté les revenus de mes aïeux. Vous le savez du reste, je n'ai jamais dépensé votre argent ni dans les plaisirs, ni dans les concerts de musique, ni pour des choses prohibées ; soyez donc sûrs que vous en toucherez l'intérêt dans ce monde ou dans l'autre. Je n'ai rien réservé pour moi, tout a été consacré au service de Dieu. Louange à lui ! Je me suis donc conformé à ses ordres, car il a dit : " Conformez-vous aux prescriptions des prophètes et évitez ce qu'ils vous signalent comme dangereux. "

Ce que le Prophète vous a prescrit, c'est la guerre ; je me suis éclairé sur cette matière ; Dieu a dit : " O Prophète, excitez les vôtres à la guerre, tant que cette guerre ne peut être nuisible aux populations. "

    

 

   

N'en ayant pas la puissance, je me suis donc abstenu de combattre ; mais au lieu d'aller aux impies, j'ai fui dans les montagnes, ce qui peut-être a été fort heureux pour vous. Rendons grâces à Dieu de cette circonstance.

Je suis actuellement à la tête d'environ 20,000 fantassins des Zouaouas (1); tous sont prêts à marcher avec moi et à entraîner les autres tribus qu'ils exciteront aux combats. Les 20,000 fantassins dont je viens de parler ne font qu'un avec mes réguliers dont ils ne se séparent jamais. J'en ai encore bien d'autres qui tous sont aussi animés des meilleurs sentiments pour la cause de notre sainte religion. De Sidi-Ali-el-Chérif jusqu'ici ici, vous pouvez en porter le nombre à 30,000. Je vous les montrerai quand vous voudrez, tous bien disposés, et inscrits tribu par tribu. Avec ces forces, je ne me porterai à des excès que contre l'ennemi de Dieu et de son Prophète. Quant aux musulmans, en général, ils sont à plaindre et j'attendrai tout du temps.

Remerciez Dieu de ce qu'il vous a fait la grâce de me désigner pour vous commander, de ce que je tiens à maintenir notre croyance et de ce que je vous ai préparé des moyens formidables. Quant à vous, vous n'avez aucune excuse ; vous qui n'avez conservé la foi que sur les lèvres et non pas dans le cœur.

Vous avez rabaissé votre religion ; vous avez courroucé le Prophète qui seul pouvait intercéder pour vous ; vous avez secoué le joug de vos lois et enfin vous avez rejeté les paroles du Dieu tout puissant. Si vous ne vous hâtez pas de vous repentir, nul doute que l'Être Suprême ne vous envoie un châtiment exemplaire : car il peut vous punir ou par des maux directs dont il vous affligera, ou par la main de l'émir qu'il a institué pour vous gouverner, quoique cet homme soit aussi doux pour les musulmans qu'il est terrible pour les infidèles.

 

(1) Ceci repose sur la circulaire signée par tous les chefs kabyles, dont nous avons parlé quelques pages plus haut.

 
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