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Vainement essaya-t-on diverses ruses pour engager l'ennemi à quitter ses positions trop dominantes : rien ne put l'y déterminer, pas même Ben-Salem que l'on voyait de loin à cheval, parcourir et haranguer les groupes. Bientôt on observa qu'ils commençaient à fortifier les crêtes en y élevant quelques parapets de pierres sèches. Le général Bugeaud prit alors le parti d'enlever par une attaque de front leur principale position. Le feu de plusieurs obusiers s'accumule sur le point indiqué, en même temps que deux bataillons s'ébranlent pour livrer ce véritable assaut. Les Kabyles sont terrifiés de l'effet des obus qu'ils ne connaissaient pas encore. L'audace de la petite colonne d'attaque achève de les démoraliser. Ils ne l'attendent pas ; ils se dispersent après une seule décharge de leurs fusils. Les montagnes voisines n'offrent plus aucun noyau de résistance.

Le but du Gouverneur était atteint ; il reprit avec sa colonne la route de la Mitidja.

Au pont de Ben-Hini, le khalifa Ben Mahy-ed-Din se sépara de notre armée qu'il suivait depuis Bel-Kraroube. Durant toute la fin de cette expédition, la pluie tombait à torrents ; on parcourait un pays difficile, coupé de ravins ; la patience des plus intrépides fut mise à une rude épreuve. Ben Mahy-ed-Din avait le bras cassé en deux et une blessure au pied qui devait le faire horriblement souffrir. Mais souffrait-il ? Lui seul le sait : jamais le moindre signe de douleur ou d'impatience ne trahit ses sensations.

Il s'empressa de regagner le centre de sa province ; d'y préparer les bases d'une organisation définitive, et de réunir les chefs de tribus dont il se proposait de soumettre l'investiture au Gouverneur-Général à Alger. Cette cérémonie avait été fixée au 27 octobre 1842.

 
 
    

 

   

II.

 
Ainsi, plus de douze ans après avoir été conquise, la capitale de l'Algérie vit pour la première fois dans ses murs des chefs de l'est importants et nombreux. Ceux-ci remarquèrent à leur tour les grands changements qu'avait subis la ville, les immenses ressources de tout genre que nous y accumulions et nos gigantesques projets en cours d'exécution. Ils comprirent, à cet aspect, que la France avait tout ensemble les moyens et la volonté de s'éterniser dans le pays.

Dès le matin, notre khalifa, son frère, trois aghas et cent douze caïds se rendaient, insignes déployées, du faubourg Bab-Azoun au palais du Gouvernement. Ils furent introduits dans la cour de marbre : là, sur une table, étaient placés le drapeau arabe aux couleurs de la France, les burnous, signes distinctifs des pouvoirs qui allaient être conférés, et des armes splendides que le gouvernement distribuait comme une preuve de sa munificence.

Le général Bugeaud descendit entouré de son état major et de quelques autorités supérieures ; le cadi et le muphti d'Alger s'y trouvaient. Les Arabes formant un vaste demi-cercle, faisaient tous face au Gouverneur qui prit la parole en ces termes :

" Avant que je vous remette ces vêtements, signes distinctifs de la nouvelle autorité que je vais vous conférer au nom et par la permission du glorieux, du sublime sultan Louis-Philippe, roi des Français, que Dieu le protège de sa toute-puissance, il est de mon devoir de vous faire comprendre l'importance de cette investiture... Vous contractez aujourd'hui l'obligation d'être fidèles au gouvernement du roi des Français, de traiter ses ennemis comme vos ennemis, de regarder ses amis comme vos amis, d'obéir à ses délégués français et musulmans.

" Vous êtes venus ici librement.... vous êtes libres encore 

 
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