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d'accepter ou de refuser les obligations graves que vous allez contracter... Si vous n'êtes pas déterminés à les accomplir, si vous ne vous en sentez pas la force, il en est temps encore, ne prenez pas cet engagement ; car l'engagement est lourd à celui qui ne peut le remplir; si au contraire vous êtes déterminés à le tenir, que Dieu vous protége et vous guide pour le bien de tous et pour le vôtre.

" J'aime la guerre, parce qu'elle est dans mes devoirs et dans les habitudes de ma vie ; mais j'aime encore mieux la paix, parce que la paix est favorable aux hommes et qu'elle leur permet d'acquérir des richesses par la culture et le commerce.

" Abd-el-Kader s'élevait en vous foulant aux pieds ; la France veut vous gouverner pour que vous prospériez. Elle veut que chacun puisse jouir paisiblement du fruit de son travail et s'enrichir sans avoir à craindre d'être dépouillé ; elle respecte vos mœurs, elle fait observer votre religion, elle choisit parmi vous un chef capable et digne de vous commander ; elle vous de mande en retour d'être fidèles à l'engagement que vous contractez aujourd'hui, d'assurer la liberté des routes, de faire que la femme et l'enfant puissent commercer chez vous avec la même sécurité dont vous jouirez dans nos villes et dans nos marchés.

" Si vous êtes fidèles à ces promesses, vous y trouverez d'immenses avantages, car la France est grande et puissante, et vous deviendrez grands et puissants avec elle... Si vous pouviez oublier l'engagement que vous contractez aujourd'hui, malheur ! car, je vous le dis (et je vous ai montré si je tenais ma parole et si je pouvais vous atteindre dans vos montagnes), les enfants se rappelleraient longtemps la faute de leurs pères. Je ne vous tuerais pas, je ne massacrerais pas les femmes et les vieillards comme le fait celui que vous appelez l'émir ; mais je vous ferais jeter à bord d'un vaisseau, conduire prisonniers en France, et vous ne reverriez jamais votre pays.

    

 

   
" La guerre cette année vous a ruinés ; je vous fais remise des impôts, mais disposez-vous à les acquitter exactement l'année prochaine.

" Et vous, aghas, rappelez-vous que vous n'avez pas à exercer le pouvoir dans votre intérêt, mais dans celui des hommes qui sont placés sous votre commandement. Renoncez à ces habitudes d'avidité qui ont trop souvent déshonoré les chefs musulmans, et que je punirai sévèrement. La justice est la seule base solide d'un gouvernement, et Dieu a toujours frappé les maîtres injustes, quelle que soit leur religion.

" Au nom du Roi des Français, que Dieu le protège et le comble de gloire, Si-Mohammed-ben-Mahy-ed-Din, je vous nomme khalifa de la province de Sebaou.

" Aghas et kaïds, vous reconnaissez pour khalifa Si Mohammed-ben-Mahy-ed-Din ; vous lui obéirez et le respecterez comme votre chef, comme le représentant de la France et comme votre intermédiaire entre nous et vous. Que Dieu vous protège ! "

Le khalifa répondit :

" Que Dieu bénisse l'heure où je t'ai rencontré, noble général, khalifa du roi de France ; qu'il m'inspire l'esprit des bonnes oeuvres et la force de les accomplir ; qu'il fasse sortir de ma bouche, qui est celle de tous les Arabes que tu vois devant toi, des paroles dignes de répondre à celles pleines de force et de sagesse dont nos oreilles viennent d'être frappées.

" Nous ne sommes venus dans cette enceinte révérée que bien pénétrés des dispositions qui doivent nous animer. Dieu a ouvert nos yeux à la vérité ; aussitôt que tu nous as donné l'aman, nous sommes venus à toi. Que Dieu bénisse cette heure !

 
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