soldats ne lui venaient en aide :
seul, entre tous nos grands dignitaires, il n'emprunta jamais
que notre appui moral.
Les Aribs ne l'aimaient pas ; ils auraient désiré un
khalifa de leur tribu. Les Beni-Slyman, s'ils étaient
flattés dans leur amour-propre, n'avaient point oublié que
Ben Mahy-ed-Din, leur compatriote, les avait tenus avec une
main de fer, quand il n'était que leur agha. Les Beni-Djâd
enfin, bien que soumis, se souvenaient encore que Ben-Salem
était né chez eux, et leur pensée les reportait vers lui.
Tous d'ailleurs voulaient le désordre et redoutaient la
sévérité du chef que nous leur avions donné.
Ben Mahy-ed-Din se tira de ce pas difficile en adroit
politique. Il affecta d'oublier ses injures particulières
pour ne songer qu'au bien général ; comme Ben-Salem, il
opposa les chefs jaloux les uns aux autres ; les tribus, il
les prit par leur côté sensible, l'intérêt, en favorisant
l'écoulement de tous les produits ; et il gagna les
fanatiques par son influence de marabout. Au nom de ce titre
vénéré, qui lie et délie les consciences, il écrivit à
tous les marabouts kabyles en invoquant le dogme sacré de la
fatalité : " Dieu l'a voulu ! il faut se soumettre.
" Et s'il ne se posait pas en ennemi déclaré des
chrétiens, il sentait qu'il eût été dangereux de s'avouer
trop hautement leur ami. En évitant ces deux écueils, tous
les scrupules des fanatiques, toutes les haines des envieux
s'effacèrent devant l'homme intelligent et résigné, forcé
de céder aux circonstances pour éviter de plus grands
malheurs aux croyants.
Des lettres sur la position désespérée de l'émir dans
l'ouest furent adroitement répandues ; elles jetèrent le
découragement dans la petite armée de Ben-Salem, et
empirèrent sa situation.
Les tribus kabyles elles-mêmes vinrent bientôt à nos
marchés.
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