loin leur entreprise, et
paraissaient se replier sur Médéah ; les défections
commencèrent de suite.
Cependant Ben-Salem, à force de s'agiter, parvint à
obtenir la promesse formelle qu'un certain nombre de guerriers
de chaque tribu se réuniraient sous ses ordres pour diriger
une attaque de nuit contre le camp français. La nuit vint ;
elle était sombre et pluvieuse : les Kabyles en tiraient un
prétexte pour ne point sortir ; Ben-Salem soutenait, au
contraire, que la surprise en réussirait mieux ; il courait
d'un guerrier à l'autre, exhortant, suppliant et forçant
chacun à marcher.
Vers une heure du matin, mille hommes à peine étaient en
route ; il n'en résolut pas moins de partir, espérant que la
fusillade attirerait les autres. Arrivé à une demi-lieue du
camp, il veut coordonner son monde et préciser l'opération :
quelle n'est pas sa sur prise ! Il ne trouve derrière lui
qu'une centaine de Kabyles tout au plus ; les autres se sont
esquivés en route. La fureur le transporte, il lance son
cheval au galop pour ramener quelques groupes de déserteurs
qu'il aperçoit encore ; mais les terrains, défoncés,
détrempés par de longues pluies, sont transformés çà et
là en bourbiers profonds : Ben-Salem est précipité par son
cheval dans une mare épaisse, où certainement il eût péri
sans quelques serviteurs dévoués, qui se précipitèrent à
son secours. On le retire, on le place avec soin sur un mulet
; on lui enveloppe la tête horriblement contusionnée, et,
dans ce triste état , on le ramène au camp des Kabyles.
Aussitôt, la foule l'entoure ; il se dresse énergiquement
et lui dit : " J'avais l'intention de vous conduire au
bien ; mais je le jure, par Dieu tout-puissant, c'est contre
vous qu'on devrait commencer la guerre sainte ; car vous êtes
pires que les chrétiens. Les chrétiens ! j'irai les trouver
et me mettre à leur tête, je leur demanderai de me donner
une armée moindre que celle-ci, je viendrai par une nuit
pluvieuse, et je vous écraserai tous ! " Puis, se
reprenant tout-à-coup : " Pardonnez-moi, mon Dieu, ce
que je viens de dire. Ils sont assez punis,
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