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puisque la malédiction prononcée sur eux par votre serviteur El-Hadj-Abd el-Kader porte déjà ses fruits ! "

Les Kabyles montrèrent quelque confusion de cet évènement ; ils dirent le lendemain à Ben-Salem : " Ne nous méprisez point injustement ; nous ne voulons pas nous attirer la guerre. Que les Français entrent chez nous, et vous verrez de quoi nous sommes capables ; mais cette fois, ils n'étaient pas sur notre territoire. "

Pendant ce temps, la petite colonne du duc d'Aumale avait repris la route de Médéah, sans se douter des péripéties occasionnées par sa présence. Le grand rassemblement kabyle se dispersa. Pour n'en pas perdre tous les fruits, Ben-Salem obtint des principaux chefs l'apposition de leurs cachets sur la circulaire suivante :

" A tous les Arabes de Hamza. Que le salut soit sur vous avec la bénédiction et la miséricorde de Dieu.
" Et ensuite, nous vous apprenons que nous sommes venus de tous les côtés à la défense du pays, que nous avons trouvé les chrétiens sur l'Oued-Regrame, que nous nous sommes portés sur lui et qu'il a fui a notre approche. Nous avions l'intention de le poursuivre sur vos terres et d'écraser tout ce que nous pourrions y rencontrer ; mais Ben-Salem s'y est opposé en disant : Avant de les traiter ainsi, prévenez-les ; peut-être sont-ils dans les dispositions qui doivent animer tous les bons musulmans ; ne leur causez donc pas des dommages qu'ils ne mériteraient point d'éprouver. Maintenant, vous êtes instruits : prononcez-vous ; car nous sommes disposés a obéir en tout et pour tout aux ordres de Ben Salem. "

 
Cette pièce était accompagnée d'une lettre particulière de l'ex-khalifa. " Les Zouaouas, y disait-il, se sont levés comme un seul homme. Ils étaient si nombreux, qu'ils auraient pu couvrir votre pays tout entier, plaines et montagnes. Ils voulaient vous punir de vos relations avec les infidèles. J'ai détourné de vous ces maux parce que vous êtes mes anciens serviteurs. 
    

 

   
" Établissez-donc avec nous des relations amicales ; je serai votre intermédiaire, et le chrétien ne pourra plus rien sur vous. "

Ces démarches ne produisirent aucun effet : il sembla même que la reconnaissance de son autorité, dont Ben-Salem avait adroitement fait signer l'aveu à tous les chefs de la montagne, dût coïncider justement avec la perte de ses dernières ressources. Il reçut la visite des malheureux Nezlyouas, les plaignit, les encouragea, leur dit qu'Abd-el-Kader saurait reconnaître leur zèle et leur rendre au-delà de ce qu'ils avaient perdu, en les prenant pour son maghzen. Enfin, il compléta sa condoléance affectueuse par une distribution de poudre. Cette circonstance l'obligea d'en envoyer chercher à son dépôt de Sidi Abd-er-Rahman.

Mais la tribu refusa de s'en dessaisir ; elle répondit : " Les biens et les ressources d'un gouvernement ne peuvent retourner qu'à un gouvernement ; or, vous n'en avez plus. Nous ne rendrons ce dépôt qu'à l'émir, quand il aura reconstitué son royaume. "

L'argument devait plaire aux Kabyles ; aussi plusieurs autres dépôts furent violés sous le même prétexte. Ces affronts menaçaient Ben-Salem d'une décadence si rapide, qu'il essaya de se rattacher encore à son maître. Pour éveiller moins de défiance, ce fut un ancien agha du Tittery, Ben-Chareub, qui se mit en rapport avec Abd-el-Kader et en reçut cette réponse : " O vous qui savez combattre pour la foi, j'ai reçu votre lettre et vous en remercie. Continuez de correspondre avec Ben-Salem ; soyez hommes, aidez-vous réciproquement, et pensez que tout ce qui est arrivé, Dieu l'a voulu, afin de nous éprouver.

" Je vous dirai que mes affaires vont de mieux en mieux. J'ai fait une razzia chez les Ouled-Khreliff dont j'ai capturé jusqu'aux femmes ; j'ai fait trois razzias sur les Harrars : je leur ai pris tous leurs troupeaux ; leur pays est en mon pouvoir et leurs nombreux cavaliers n'ont pu les préserver. 

 
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