" Établissez-donc avec nous
des relations amicales ; je serai votre intermédiaire, et le
chrétien ne pourra plus rien sur vous. "
Ces démarches ne produisirent aucun effet : il sembla
même que la reconnaissance de son autorité, dont Ben-Salem
avait adroitement fait signer l'aveu à tous les chefs de la
montagne, dût coïncider justement avec la perte de ses
dernières ressources. Il reçut la visite des malheureux
Nezlyouas, les plaignit, les encouragea, leur dit qu'Abd-el-Kader
saurait reconnaître leur zèle et leur rendre au-delà de ce
qu'ils avaient perdu, en les prenant pour son maghzen. Enfin,
il compléta sa condoléance affectueuse par une distribution
de poudre. Cette circonstance l'obligea d'en envoyer chercher
à son dépôt de Sidi Abd-er-Rahman.
Mais la tribu refusa de s'en dessaisir ; elle répondit :
" Les biens et les ressources d'un gouvernement ne
peuvent retourner qu'à un gouvernement ; or, vous n'en avez
plus. Nous ne rendrons ce dépôt qu'à l'émir, quand il aura
reconstitué son royaume. "
L'argument devait plaire aux Kabyles ; aussi plusieurs
autres dépôts furent violés sous le même prétexte. Ces
affronts menaçaient Ben-Salem d'une décadence si rapide,
qu'il essaya de se rattacher encore à son maître. Pour
éveiller moins de défiance, ce fut un ancien agha du Tittery,
Ben-Chareub, qui se mit en rapport avec Abd-el-Kader et en
reçut cette réponse : " O vous qui savez combattre pour
la foi, j'ai reçu votre lettre et vous en remercie. Continuez
de correspondre avec Ben-Salem ; soyez hommes, aidez-vous
réciproquement, et pensez que tout ce qui est arrivé, Dieu
l'a voulu, afin de nous éprouver.
" Je vous dirai que mes affaires vont de mieux en
mieux. J'ai fait une razzia chez les Ouled-Khreliff dont j'ai
capturé jusqu'aux femmes ; j'ai fait trois razzias sur les
Harrars : je leur ai pris tous leurs troupeaux ; leur pays est
en mon pouvoir et leurs nombreux cavaliers n'ont pu les
préserver.
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