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Je m'éloignai enchanté de tout ce qui m'était arrivé ; et tremblant de faire rencontre, hors du pays des tolbas, d'une de leurs bandes dangereuses.

Je repris à peu près le chemin par lequel j'étais venu, et, toujours sous la conduite d'un anaya, j'arrivai sans encombre jusqu'aux lssers. Je traversai Blidah, et parvins enfin chez les Abides, où mes parents et mes amis se réjouirent de mon retour.

J'ai appris sous ma tente que vous m'aviez envoyé chercher par un cavalier ; je me suis délassé un jour ; ensuite, je suis venu vers vous pour entendre votre volonté et me soumettre à ce que vous ordonnerez de moi.

 

III.

 
Les opérations militaires auxquelles tout le monde s'attendait commencèrent en effet au printemps de cette année 1844. Mais elles furent précédées d'un échange de manifeste que nous reproduisons en entier, parce que les griefs réciproques y sont exposés , d'une part avec plus d'intelligence de nos affaires qu'on n'a coutume de n'en supposer aux indigènes, de l'autre avec une raison victorieuse qui fera taire, au sujet de notre agression, les scrupules des personnes les plus délicates en matière d'équité politique :
14 avril 1844
 
PROCLAMATION DE M. LE MARÉCHAL

Gouverneur-Général de l'Algérie

 

A tous les chefs des Flissas, Ameraouas, Beni-Khalfoun, Nezlyouas, Gechtoulas, Oued-el-Aziz et Harchouas ;

SALUT

    

 

   

Tout le pays gouverné autrefois par Abd-el-Kader, est maintenant soumis à la France : de tant de tribus, vous êtes les seules qui ne soient pas venues à nous. Il y a longtemps que j'aurais pu ; moi, aller chez vous avec une forte armée ; je ne l'ai pas fait, parce que j'ai voulu vous donner le temps de la réflexion. Plus d'une fois je vous ai dit : " Soumettez-vous, car vous obéissiez au vaincu ; vous devez obéir au vainqueur. Chassez de vos montagnes le khalifa Ben-Salem, à moins qu'il ne vienne demander l'aman au roi des Français, qui le lui donnera. "

Non seulement vous n'avez tenu aucun compte de mes avertissements paternels ; non seulement vous ne vous êtes point rapprochés de nous et ne vous êtes point unis à vos voisins les Issers et les Krachnas, nos amis ; mais encore vous avez recueilli Ben-Salem, le rebelle, et les débris de sa troupe régulière ; vous avez souffert que, de chez vous, il portât le vol et le meurtre dans nos tribus.

Je ne puis tolérer plus longtemps cet état de choses, et je me décide à aller vous en demander satisfaction. Avant de me mettre en marche cependant, un sentiment d'humanité me pousse à vous donner un dernier conseil. Si vous ne le suivez pas, que les maux de la guerre retombent sur vous.

Venez me trouver à mon camp sur l'lsser, chassez Ben-Salem de votre pays, soumettez-vous à la France, et il ne vous sera fait aucun mal.

Dans le cas contraire, j'entrerai dans vos montagnes, je brûlerai vos villages et vos moissons, je couperai vos arbres fruitiers ; et alors, ne vous en prenez qu'à vous seuls. Je serai, devant Dieu, parfaitement innocent de ces désastres ; car j'aurai fait assez pour vous les épargner.

 
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