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RÉPONSE DES FLISSAS

Au très-honoré seigneur le Gouverneur-Général, commandant les Français à Alger.

 

Nous avons reçu la lettre par laquelle vous nous donnez des conseils. Nous avons compris tout le contenu de cette dépêche, mais nous l'avons trouvée en opposition avec les précédentes, ce qui nous a causé le plus grand étonnement, car, nous avons reconnu. que vous vous étiez écarté des règles suivies par tous les souverains.

Lorsque la guerre était active entre vous et El-Hadj-Abd-el-Kader, vous nous écriviez en ces termes : " Je n'ai d'autre ennemi que El-Hadj-Abd-el-Kader ; quant à vous, vous êtes Kabyles, gardez la neutralité et il ne vous arrivera aucun mal de notre part. Nous n'exigeons rien de vous ; nous ne prétendons créer aucun usage ; vous jouirez d'une protection toujours croissante ; nous ne vous demandons que la tranquillité, la sécurité des routes et le commerce. "

Forts de ces promesses, nous avons gardé la neutralité ; nous vous avons laissé lutter avec votre ennemi. Vous vous en êtes pris ensuite aux Arabes ; alors vous nous avez écrit : " Vous êtes des montagnards et aucun des usages introduits chez les Arabes ne vous seront appliqués ; livrez-vous au commerce, nous n'avons pas d'autre dessein sur vous. "

Nous vous avons encore laissé combattre les Arabes jusqu'à ce qu'ils soient devenus votre proie.

L'année dernière, vous nous avez écrit en d'autres termes ; nous pensâmes d'abord que vous agissiez ainsi pour flatter l'amour-propre des Arabes. Nous ne vous avons pas répondu, comptant sur vos anciennes promesses, et sachant surtout que les 

    

 

   

souverains n'ont jamais pour coutume de revenir sur leurs engagements. Cette année, vous nous avez renouvelé vos lettres, ordonnant d'aller vous trouver, de vous servir ; nous menaçant à défaut, de marcher contre nous, de brûler nos demeures et de couper nos arbres. Tout homme sensé a lieu d'être surpris d'un semblable langage, surtout venant d'une personne qui, comme vous, connaît nos habitudes, notre état ; qui sait que nous ne donnons rien et ne recevons aucune investiture, que nous ne l'avons jamais fait ; qu'en notre qualité de Kabyles, nous ne reconnaissons pour chefs que des Kabyles comme nous, et pour arbitre souverain Dieu qui punit l'injuste.

Nous possédons votre correspondance du jour de votre arrivée à Alger, et même celle devos prédécesseurs ; nous possédons les lettres que, pendant vos marches, vous semiez sur les routes. Auriez-vous imaginé par hasard, que nous ne savons pas nous conduire, et que nous n'avons aucun homme capable de nous diriger sagement ? N'étions-nous pas sensés de croire qu'un chef si grand que vous ne nous tromperait pas ? Dans cette confiance, nous avons laissé le terrain libre entre vous et vos ennemis. De la sorte, vous avez vaincu Abd-el-Kader, puis les Arabes, privés qu'ils étaient de nos secours.

Maintenant vous agissez comme si nous n'étions musulmans que par Abd-el-Kader, comme si nous ne pouvions combattre que sous ses ordres. Détrompez-vous : nous sommes musulmans, quoique sans souverain ; notre pays forme le tiers de l'Algérie, et le tiers de nos montagnes se compose de forts naturels. Enfin, Dieu secoure les musulmans ; ne nous comptez donc pas au nombre de vos sujets.

Nous ne vous demandons qu'une réponse à cette lettre. Dites franchement ce que vous exigez : nous choisirons ensuite.

Si vous maintenez vos anciennes promesses, envoyez-nous une  

 
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