La guerre d'Afrique a développé
au plus haut point, dans notre infanterie, une de ses
qualités natives. Chaque soldat y est devenu tirailleur
consommé : le coup d'œil du terrain, l'emploi des ruses,
l'art de s'embusquer, rien ne lui manque.
En masse, cette infanterie comprend si bien la puissance de
l'élan, que toutes ses manœuvres d'attaque s'exécutent
spontanément, au pas de course et l'arme au bras, sous le feu
de l'ennemi. Ses officiers ont plus de peine à la contenir
qu'à l'entraîner. Si, pendant ces dernières années, elle a
quelquefois essuyé des pertes inutiles, la cause en a
toujours été l'exagération de son offensive.
Les services accessoires de l'armée, l'ambulance,
l'administration des vivres, ont atteint un degré de
perfection tel, que des colonnes, obligées de traîner à
leur suite de quoi satisfaire absolument à tous les besoins
de la vie, ont pu donner la chasse aux légers goums d'Abd-el-Kader
et les surprendre quelquefois.
Le général en chef de cette armée avait apporté en
Afrique, non pas des principes nouveaux, mais une application
véritable, complète, des principes éternels de la guerre,
fondés sur la raison et sur l'expérience des siècles. Ses
préceptes sans cesse propagés par sa parole, sans cesse
justifiés par l'application, se popularisèrent peu à peu
dans tous les rangs de l'armée, et produisirent une confiance
réciproque, aussi inébranlable que les convictions qui lui
servaient de base.
Rien ne sert mieux les intérêts de la patrie qu'un long
rapprochement du même chef et de la même troupe. Grâce à
ce contact prolongé, le génie de l'un assouplit les
instincts de l'autre : il les dirige, les régularise et s'y
retrempe en même temps. Tous deux réalisent alors la plus
grande masse d'effet utile, permise aux qualités que leur a
départies la nature.
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