En 1844, notre armée d'Afrique
avait atteint son apogée de puissance militaire ; depuis,
elle n'a pas décliné, mais elle ne pouvait plus grandir.
Voilà le point de vue qu'il est indispensable de ne jamais
quitter pour comprendre l'ascendant subit, infaillible,
prodigieux, dont nos armes devaient constamment jouir dans la
Grande Kabylie.
Les montagnards se croyaient indomptables ; leurs retraites
étaient réputées inaccessibles, parce que, depuis des
siècles, ni les Espagnols, ni les Turcs n'en avaient pu venir
à bout, parce qu'enfin dernièrement ils avaient imposé à
l'émir. Mais de combien nos ressources ne dépassaient-elles
point celles de ces impuissants agresseurs ? L'incessante
locomotion d'un ennemi subtil et léger pouvait parfois mettre
en défaut l'agilité de nos colonnes ; mais aucune position,
défendue par des masses incohérentes, n'était capable de
résister à leur élan discipliné. Par sa nature, notre
supériorité militaire avait bien meilleur jeu de la
résistance que de la fuite ; elle triomphait du Kabyle, plus
sûrement et surtout plus fructueusement que de l'Arabe.
Esquissons, à grands traits, la physionomie de cette armée-modèle, surtout comme armée de montagnes. |