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Tous ces travaux nécessitèrent une grande énergie de la part de nos troupes, car ils s'exécutaient en général sous une pluie battante, dans des terrains boueux ou glissants. Ce sont de pareilles conjonctures qui font apprécier nos soldats à leur juste valeur.

Le mauvais temps rendit la marche sur Dellys également pénible. On pénétra, pour la première fois, dans la vallée du Sebaou. Les villages y apparaissaient rapprochés et considérables, bâtis la plupart en pierre sèche, dans des positions défensives, ayant chacun leur ceinture de vergers, et, pour dépendances, des cultures qui s'étendaient depuis l'origine supérieure des terres végétales jusqu'aux berges de la rivière.

L'Oued-Neça, qu'on devait passer non loin de son embouchure, roulait un volume d'eau très-effrayant. Au gué le plus favorable, sa largeur dépassait cent mètres, sa profondeur un mètre, et la vitesse était torrentielle ; cependant les troupes et le convoi traversèrent dans la journée du 7 ; mais lorsque vint le tour du goum, la crue toujours prolongée ne permettait plus le passage d'un cavalier : l'essai en fut tenté à diverses reprises et amena la perte de deux ou trois Arabes entraînés avec leurs chevaux. En vain descendit-on ensuite jusqu'à l'embouchure de la rivière, dans l'espoir de passer la barre de sable qui y règne habituellement : l'affluence des eaux l'avait brisée sur plusieurs points, et de profonds thalwegs la sillonnaient.

Ainsi l'armée se voyait coupée en deux parties, dont l'une toute indigène, d'une valeur militaire très-comparable à celle de nos ennemis, pouvait être attaquée isolément par eux, puisque maîtres du cours supérieur de l'Oued, ils manœuvraient à volonté sur l'une ou l'autre rive. Heureusement, une situation aussi critique ne dura pas longtemps, et les Kabyles arrivèrent trop tard pour la mettre à profit. Leur attention avait été distraite du mouvement essentiel, par la présence du petit camp 

    

 

   
de Bordj-Menaïl ; ce fut seulement vers le 10 qu'on les vit insensiblement garnir les montagnes au sud de Dellys : bientôt ils s'y trouvèrent massés au nombre de huit à dix mille. Dans la nuit du 11, l'étendue, la disposition de leurs feux semblèrent nous présager une prochaine attaque.

Pendant ce temps, le Gouverneur avait accompli ses projets. Dellys, occupé sans aucune résistance, était laissé à la garde de quelques compagnies, sous les ordres du capitaine Périgot ; le Génie commençait à élever rapidement les abris nécessaires ; la Marine y accumulait des approvisionnements, et toutes les bêtes de somme de la colonne venaient d'y prendre un chargement considérable.

Ces opérations préliminaires étant menées à bonne fin, le Maréchal se mit en route pour rejoindre son camp d'attente de Bordj-Menaïl, et prendre ensuite une vigoureuse offensive. Sous ce rapport, les circonstances l'obligèrent même à devancer le moment qu'il avait fixé.

 

III.

 
Le 12 mai, au point du jour, l'armée fut mise en marche, appuyant sur sa gauche pour traverser de nouveau l'Oued-Neça. Tout-à-coup les Kabyles, dans l'espoir d'inquiéter ce passage de rivière, et principalement de menacer le convoi, descendirent en tumulte des montagnes voisines. Dans ce mouvement, leur infanterie se trouvait devancée par une masse de cavaliers assez compacte. Malheureusement toute la cavalerie française avait été laissée au camp de Bordj-Menaïl ; il fallait se suffire avec le goum. A la vérité, c'étaient des officiers français qui devaient le conduire à la charge ; le Maréchal imagina de plus, d'improviser comme réserve un escadron d'élite, en réunissant tous les sous-officiers et brigadiers montés de la colonne, son piquet de spahis et quelques gendarmes à cheval.
 
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