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En même temps, le convoi passait avec célérité sur la rive gauche de la rivière et s'y massait sous la garde d'un bataillon. L'infanterie déposait ses sacs. L'ennemi venait à portée.

Tout-à-coup notre cavalerie, masquée par un pli de terrain, débouche sur le flanc droit de la ligne opposée, rompt la masse de cavaliers qui l'occupait, et les poursuit à plus de trois lieues le sabre dans les reins. L'infanterie kabyle, impressionnée de cet échec, se replie sur des positions moins accessibles, et garnit une chaîne de collines en forme demi-circulaire . Deux bataillons lancés au milieu de cette aire concave, atteignent à travers des feux croisés le centre de la ligne ennemie, la rompent et refoulent ses tronçons sur les ailes. C'était le moment où notre cavalerie ayant terminé sa poursuite, se rabattait sur la droite des Kabyles ; aussi de ce côté tout cède, tout fait instantanément, et beaucoup de cadavres restent sur le terrain. Les masses de gauche s'étaient ralliées au village de Taourga, dans une position plus forte, Trois bataillons et deux obusiers sont dirigés contre elles et consomment promptement leur déroute.

Ainsi en quelques heures, six cents cavaliers et cinq bataillons seulement engagés, ont, par une forte offensive, dispersé une masse de sept à huit mille montagnards, qui autrement n'eût pas manqué de suivre notre marche tous les jours et de l'entraver par des escarmouches continuelles (1).

Le Maréchal ayant le champ libre devant lui, fait filer son convoi sur le camp de Bordj-Menaïel, donne ordre au général Gentil qui le commande, d'y laisser seulement un bataillon pour garder le dépôt d'approvisionnements, et de lui amener tout le reste à Bordj-Sebaou ; lui-même se porte directement sur ce point.

Pendant l'absence du Gouverneur, Bordj-Menaïel n'avait point été 

 

(1) Voir la note G.

    

 

   
attaqué ; mais une sortie tentée par sa garnison, pour faire du bois, avait échoué devant une fusillade animée de tous les villages environnants. Aussi en diminuant de nouveau l'effectif de ce poste, l'approvisionna-t-on en toutes choses, et lui prescrivit-on une défensive absolue.

La colonne du général Gentil comprenant toute la cavalerie et le convoi menaçait de s'allonger beaucoup au passage des longs défilés qui lui restaient à par courir. On y obvia, en marchant à la fois par les vallées de l'Oued-Jerdel et de l'Oued-Menaïel. Ces opérations furent d'ailleurs facilitées par le bruit qui courait chez les Kabyles, comme chez nous, de pourparlers ouverts entre le chef Ben-Zamoun, des Flissas, et le Gouverneur-Général. Par ce motif, il était convenu de part et d'autre qu'on s'abstiendrait de tout acte hostile, soit contre les personnes, soit contre les propriétés. Un seul malentendu, suite de la défiance des Kabyles, amena dans l'Oued-Menaïel des démonstrations menaçantes. Le 16 mai, les deux colonnes avaient opéré leur jonction devant Bordj-Sebaou.

En ce moment, toutes les négociations entamées furent rompues par une influence bien caractéristique des mœurs kabyles. Les femmes indignées que leurs maris songeassent à se rendre sans avoir fait une résistance plus sérieuse, les avaient accablés de mépris jusqu'à s'engager par serment à ne leur plus préparer le couscoussou. Le parti de la résistance avait aussitôt triomphé.

De son bivouac, et entouré de plusieurs officiers supérieurs ou généraux, le Maréchal étudiait les mouvements de l'ennemi. Toutes les crêtes du Djebel-Pharaoun étaient garnies de taches blanches qui représentaient autant de contingents distincts. Celui des Zouaouas surtout, imposait en raison du nombre : il était commandé par le fameux Sid El-Djoudy, qui marchait à sa tête, précédé d'une musique kabyle. 

 
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