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En effet notre colonne, après s'être ravitaillée au poste de Bordj-Menaïel, n'eût pas plutôt remonté la rive gauche de la rivière et campé sur le territoire des Ameraouas, que des représentants kabyles arrivèrent de toutes parts ; il en vint même qu'on n'avait pas eu le projet de soumettre ou dont le nom était inconnu. Enfin, l'un des frères de Ben-Salem ; Omar, dont nous avons parlé plus haut, se présenta pour obtenir l'aman et l'autorisation de vivre dans ses terres en simple particulier. Le Gouverneur lui accorda sa demande, et le recommanda au khalifa de Mahy-ed-Din, car il tombait ainsi sous l'autorité de l'ennemi mortel de son frère. Deux autres aghaliks furent alors créés, celui de Taourga et celui des Ameraouas. Medani-Ould-Mahy-ed-Din et Allal-ben-Ahmed-Seghir en obtinrent le commandement. Les investitures occupèrent les journées du 24 et du 25 mai.

Aussitôt ces cérémonies terminées, le Maréchal était allé s'embarquer précipitamment à Dellys pour faire face d'un autre côté ; il débarquait à Alger dans la matinée du 27.

L'importance de ces évènements accomplis soit en eux-mêmes, soit par rapport à ceux que présageait un prochain avenir, est exprimée dans les lignes suivantes qui terminent la dépêche adressée par le Gouverneur au Ministre de la guerre, en date du 26 mai :

" Les résultats de cette courte campagne sont d'avoir étendu de plus de vingt lieues le rayon d'Alger dans l'est ; d'avoir ajouté à notre domination un territoire fertile et très-peuplé, qui sera un nouvel aliment pour notre commerce et pour les revenus coloniaux ; d'y avoir conquis de vastes et bonnes terres pour la colonisation européenne : enfin, d'y avoir détruit l'influence d'un lieutenant d'Abd-el-Kader, ce qui était le but principal de l'expédition.

" Ces événements sont d'autant plus heureux qu'ils me rendent 

    

 

   

ma liberté d'action et l'usage de mes moyens, pour faire face aux événements qui semblent s'annoncer sur le frontière du Maroc.

" Sans aucune perte de temps, je m'embarque ici avec deux bataillons du 48e régiment ; le 3e bataillon du même corps, un bataillon du 3e léger, une section d'artillerie de montagne s'embarqueront le 31 à Alger, et je partirai moi-même ce jour-là pour me rendre à Oran avec ces renforts.

" Ainsi vous le voyez, monsieur le Maréchal, nous sommes préparés sur tous les points, dans la mesure des forces dont je puis disposer, et j'espère, dans l'ouest, une concentration de troupes dont le nombre n'égalera pas celui que peut m'opposer l'ennemi, mais dont la valeur, je l'espère, sera très-supérieure. Ce que je demande a Dieu, avant tout, c'est que nos ennemis temporisent assez pour me donner le temps de rejoindre M. le général de Lamoricière.

" P. S. Vous ne manquerez pas d'observer, monsieur le Maréchal, que l'opération que nous venons d'exécuter dans l'est d'Alger est surtout heureuse en raison des circonstances qui se présentent sur la frontière de l'ouest. Si je n'avais pas détruit l'influence de Ben-Salem chez les Kabyles du Jurjura, si ces montagnards n'avaient pas été vaincus et soumis avant mon éloignement, avec une partie des forces de la division d'Alger, il n'est pas douteux que le lieutenant d'Abd-el-Kader n'eût agi contre nos alliés de la rive gauche de l'Isser, aussitôt qu'il aurait su la lutte engagée avec l'empereur du Maroc, et il eût pu porter la guerre et l'insurrection jusque dans la Mitidja. Aujourd'hui, j'ai la confiance que cela lui est impossible.

" Je ne saurais trop me louer de l'habileté qu'a déployée, dans toutes les négociations qui ont suivi les combats, M. le lieutenant-colonel Daumas, directeur des affaires arabes. 

 
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