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   boulevards de la France. Elle doit ses fortifications à Vauban. D'un ancien fort qui dominait la ville il ne reste qu'un bâtiment, appelé la Bastille. L'Isère partage Grenoble en deux parties d'inégale grandeur; la plus petite, celle des quartiers de la Perrière et de Saint-Laurent, est comprise entre la rive droite et la montagne, et se compose d'une longue rue; l'autre partie, qui forme la ville proprement dite, présente des rues droites et bien bâties. L'hôtel de l'Intendance, où loge aujourd'hui le préfet, le palais de justice et un monument gothique d'un style assez pur, sont à visiter. La bibliothèque est belle et possède, entre autres choses précieuses, des poèmes manuscrits du duc d'Orléans, père de Louis XII. Le commerce de Grenoble, grâce à l'Isère, qui, malgré son cours rapide, est navigable jusqu'à douze lieues plus haut, consiste en chanvres, tissus de coton, fromages, ganterie, qui s'expédie par toute l'Europe; chamoiserie et liqueurs, dont la plus célèbre est le ratafia de Teissère; fers provenant des forges d'Allevard, marbre extrait des montagnes voisines et travaillé dans la ville; bois de sapin pour mâture et bois de noyer pour meubles.
Si jamais vous allez à Grenoble, on vous engagera à visiter les Caves de Sassenage, bourg à deux lieues à l'ouest. Laissez de côté ces grottes qui ressemblent à toutes, et contentez-vous de vous faire servir de l'excellent fromage du lieu, qui est une imitation de celui de Roquefort.
    

 

   

Si le temps est beau et que les torrens ne soient pas trop furieux, dirigez-vous au nord-est pendant environ cinq lieues vers la Grande Chartreuse, couvent célèbre fondé par S. Bruno. On ne peut y arriver qu'à pied et cri s'enfonçant dans une gorge formée par deux montagnes de l'aspect le plus sauvage et couronnées de forêts de sapins. Cette gorge va en se rétrécissant, et enfin se resserre au point, qu'une maison établie sur un arceau que ferme une double porte, suffit pour en clore entièrement le passage. La double porte franchie, on est dans l'enclos de la Chartreuse, qui se compose d'un groupe de pics les plus hauts, les plus escarpés et les plus affreux de toute la chaîne. Les forêts de sapins qui les couvrent du sommet à la base, y tiennent lieu de vergers et de plantations; les torrens et les rochers sont les seuls ornemens. Pendant plus d'une heure on suit, le long de rochers à pic, le cours du Guiers, qui bouillonne à quatre cents pieds au-dessous de vous. Vient le moment de passer adroitement sous l'arc formé par une cascade dont le poids suffirait pour vous écraser. Avec quelque attention vous en êtes quitte pour une simple averse qui se détache de la masse. Un pont franchi, vous avez alors le torrent à droite et vous n'avez plus qu'une demi-heure de marche. Même horreur, même ombrage impénétrable de sapins au-dessus de votre tête, même profondeur de précipices à vos pieds, même rigidité et même escarpement du mur de rochers qui vous presse. Enfin la

 
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