|
Les quelques centaines de mille Européens
qui vivent au milieu de 5 millions d'indigènes ne sauraient se
maintenir s'ils n'avaient derrière eux la masse des 40 millions de
Français de la métropole, auxquels les unissent les liens
sentimentaux, intellectuels, politiques et économiques les plus
étroits. Et les indigènes ne sauraient davantage se passer de la
France métropolitaine, qui a assumé leur tutelle, qui accomplit sa
tâche de la façon la plus généreuse et à laquelle eux aussi sont
unis désormais par des liens multiples. Le séparatisme serait pour
l'Algérie le retour au chaos et à la barbarie.
Il n'est pas exact que les colonies parvenues à l'âge adulte doivent
se séparer de la métropole comme un fruit mûr tombe de l'arbre. La
politique coloniale britannique, pour laquelle nous avons peut-être en
France une admiration excessive, aboutit en effet à la séparation des
grands Dominions ; elle ne réussit pas à s'attacher les indigènes,
considérés comme des natives à tout jamais incapables de
devenir des citoyens britanniques. En France, où n'existe nul préjugé
de couleur, de race ou de religion, les idées chrétiennes aussi bien
que les idées révolutionnaires et sans doute aussi notre tempérament
propre font que nous regardons tous les hommes comme nos frères et nos
égaux. Aussi, aucune colonie ne s'est jamais volontairement séparée
de nous et de vieilles colonies, que les circonstances historiques ont
fait passer sous d'autres dominations, nous sont demeurées attachées,
parlent encore notre langue et nous gardent une fidèle affection.
L'œuvre que nous avons entreprise et finalement réalisée en
Algérie présente des caractères uniques dans l'histoire coloniale.
Dans les colonies tropicales, les Européens, peu nombreux, sont
administrateurs, chefs d'entreprises, directeurs de culture; ils ne se
mêlent pas à la vie indigène, ne gênent pas son fonctionnement,
altèrent peu ses caractères. Dans les colonies de la zone tempérée,
les Européens, soit qu'ils aient trouvé ces terres inhabitées, soit
qu'ils aient détruit la population indigène, sont en général à peu
près seuls, peuvent organiser l'administration et se répartir les
terres à leur guise. En Algérie, le problème, délicat entre tous, si
délicat que beaucoup l'ont cru insoluble, consiste à faire vivre côte
à côte une nombreuse population européenne et une population
indigène plus nombreuse encore, qui, bien loin de tendre à
disparaître, se multiplie avec une extrême rapidité.
Un bloc de 850 000 Européens, dont plus de 650 000 Français, vivent
aujourd'hui sur le sol de l'Algérie. Alger, Oran, qui étaient encore
à la fin du dix-neuvième siècle de petites villes provinciales
d'aspect vieillot, ont pris place parmi les grandes cités
méditerranéennes. Alger, avec 226 000 habitants, dont 160 000
Européens, et 273 000 habitants dont 189 000 Européens si l'on y
ajoute les satellites qui font partie de l'agglomération algéroise,
est la plus grande ville de toute la Berbérie, voire même de tout le
continent africain après le Caire et Alexandrie. |
|