Oran a 150 000 habitants, dont 121 000
Européens ; Constantine (94 000 habitants) et Bône (52 000 habitants)
ont également progressé, quoique dans une moindre mesure. Le
peuplement rural a toujours paru aux vieux Africains le seul moyen
d'assurer notre suprématie d'une manière durable par la prise de
possession effective du sol; un pays finit toujours par appartenir à
celui qui y cultive la terre. Si nous voulions être autre chose en
Algérie que des passants dont le sable aurait bientôt effacé les pas,
notre devoir primordial était d'y implanter et d'y maintenir une
population rurale française aussi nombreuse que possible. La tâche
était difficile, car le colon est une plante délicate et précieuse,
transportée à grands frais, qui ne saurait se passer de soins assidus
si on ne veut pas qu'elle soit étouffée par la végétation
spontanée. Finalement, nous avons couvert l'Algérie de centaines de
villages aux toits rouges qui lui donnent un aspect de province
française. L'édifice de la colonisation agricole a somme toute assez
bien résisté à la terrible secousse de la grande guerre; çà et là
cependant, il s'est produit des fissures qu'il faut se hâter de
boucher, des brèches qu'il convient de réparer. La présence de
l'Européen dans les campagnes est le plus sûr moyen de rapprocher de
nous les indigènes et de les tirer de leur antique barbarie, en même
temps que d'assurer à tout jamais notre prépondérance dans l'Afrique
du Nord.
Un nouveau peuple franco-algérien s'est constitué dans la vieille
Régence barbaresque. Ce nouveau peuple est doué de belles qualités
physiques et morales. La race est vigoureuse et saine, trempée par le
rude climat. L' Algérien est intelligent, énergique, audacieux; il a,
plus que les Français de la métropole, le goût du risque; " il
est paysan, dit M. E.-F. Gautier, par l'amour passionné de la terre,
mais c'est un paysan aventureux. " Ombrageux et susceptible comme
tous les jeunes peuples, il a un vif patriotisme local, qui ne nuit en
rien à son profond attachement pour la mère-patrie. La supériorité
numérique des Français d'origine est assez faible, mais leur
supériorité sociale, politique, intellectuelle, est incontestable et
incontestée.
Aux États-Unis, une minorité d'Anglo-Saxons a digéré, assimilé
des populations de toute provenance et de toute origine, Italiens,
Allemands, Slaves. Il en a été de même en Algérie. L' Algérien
diffère forcément par quelques traits du Français de la métropole,
par suite de l'influence du milieu physique d'une part, de la
composition ethnique d'autre part. Mais, grâce à la diffusion de la
langue française, véhicule de nos idées, ce peuple algérien qui se
forme est véritablement nôtre; c'est un jeune rameau du vieux tronc
gallo-romain. Qu'importe que ce peuple ne soit qu'en partie français
par le sang, s'il le demeure par la langue, les idées, les
institutions, s'il est marqué de notre empreinte et perpétue notre
civilisation. |