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  CONCLUSION  
     
   Plus de 5 millions d'indigènes musulmans, Berbères ou Arabo-Berbères, vivent sur ce sol de l'Algérie à côté des 850 000 Européens; leur nombre a plus que doublé sous notre domination. Nous avons soumis, non sans peine, ces populations farouches et indomptables; nous avons prouvé que nous étions forts, et les musulmans ont le respect, le culte de la force. Nous n'en avons pas moins pratiqué à leur égard une politique de rapprochement, d'association, d'émancipation progressive; nous nous sommes efforcés de gagner leurs cœurs et nous y avons en somme assez bien réussi. Les indigènes pourront s'associer sans arrière-pensée à la commémoration d'une conquête qui leur a été bienfaisante. Loin d'avoir détruit en Algérie une nation qui n'y a jamais existé, nous l'avons fait naître; nous avons délivré les Algériens du joug brutal des Turcs et de leur propre anarchie; nous avons mis fin aux guerres entre tribus, aux épidémies, aux famines qui les décimaient. Nous nous sommes efforcés d'améliorer leur condition physique, intellectuelle, économique.

Longtemps immobiles, du moins en apparence, les indigènes ont évolué et évoluent de plus en plus rapidement au contact de la population européenne. Peu à peu, une société essentiellement guerrière, religieuse, patriarcale, se transforme en une société déshabituée des luttes à main armée, préoccupée plus qu'autrefois de ses besoins matériels, où des groupements d'intérêts se substituent aux anciens groupements de tribus et de familles. Si nulle propagande du dehors ne vient entraver notre oeuvre séculaire et nous en retirer le bénéfice, les indigènes, on peut en être assuré, se rapprocheront de nous graduellement.

La politique indigène à pratiquer vis-à-vis des musulmans de l'Algérie est un problème délicat et complexe; elle est toute de tact et de nuances; elle ne peut être maniée que par des hommes prudents et avisés; elle ne s'improvise pas. On oppose parfois l'une à l'autre la méthode du protectorat et la méthode de l'assimilation, la première fondée sur le respect des institutions des indigènes, la seconde s'efforçant au contraire de leur donner nos institutions et nos lois. Chacune de ces deux méthodes a ses avantages et ses inconvénients; chacune part d'une idée juste, c'est sa généralisation qui est fausse et dangereuse. Il ne faut toucher à la société indigène qu'avec prudence, avec lenteur, avec méthode, mais enfin elle évolue, que nous le voulions ou non; il faut la faire évoluer dans un sens qui tende à la rapprocher de nous et non à l'en éloigner. Il faut respecter les institutions des indigènes dans la mesure où elles sont respectables, les modifier dans la mesure où elles sont modifiables.

 
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